
Après le déroutant Tenet (2020) et Dunkerque (2017), Christopher Nolan revient à l’Histoire mondiale et signe Oppenheimer, un passionnant biopic sur J.Robert Oppenheimer, le scientifique surnommé « père de la bombe atomique ». Tourné en IMAX le spectacle est grandiose avec une construction et un discours judicieusement réfléchis. Le film est l’adaptation du livre American Prometheus : The Triumph and tragedy of J. Robert Oppenheimer de Kai Bird et Martin J. Sherwin. Toujours préoccupé par les sujets philosophiques, Nolan crève l’écran avec ce film puissant qui résonne dans une actualité brûlante avec la reprise de la guerre en Europe.
J.Robert Oppenheimer enseigne à l’université en Europe. Il décide de retourner aux Etats-Unis importer son sujet de prédilection, la physique quantique, dans un pays qui laisse tomber ce domaine. Il est rapidement approché pour diriger le projet Manhattan, visant à fournir la bombe atomique aux USA durant la seconde Guerre Mondiale.
Le film mélange les genres, du biopic historique au thriller inspiré du film noir, il deviendra film de procès autour de règlements de comptes politiques. Nolan dresse le portrait d’un personnage complexe, maladroit mais esprit brillant, théoricien hors pair, interprété par l’époustouflant Cillian Murphy au regard translucide et plein d’intelligence. Une multitude de protagonistes recréent le cadre de l’époque avec un casting de stars, Matt Damon, Robert Downey jr, Rami Malek, Kenneth Branagh… Epouse du scientifique, Katherine Oppenheimer, l’un des rares rôles féminin, est une femme tout en nuance avec un caractère bien trempé, qui est jouée par la toujours juste Emily Blunt.
Nolan utilise tous les outils narratifs à disposition pour du cinéma XXL. Attentif à la place qu’occupe le spectateur, le cinéaste sollicite celui-ci une fois de plus en créant plusieurs temporalités en parallèle dans le récit qui se déroule en couleur et en noir et blanc. Manipulateur à ses heures, le cinéaste profite de la projection IMAX profondément immersive et de la bande son qui vient percuter le thorax du spectateur en lui insérant les ondes sonores directement dans le corps. Le public entre alors directement dans l’imaginaire d’Oppie et dans ses visions cosmiques dans des plans sublimes. Car au départ Oppenheimer étudie l’extinction des étoiles noires. Ce procédé permet au cinéaste de faire ressentir la déflagration au spectateur de manière détournée d’une possible bombe atomique. Dans ce film tout est vecteur de sens. Chaque effet, chaque son est motivé par une raison profonde qui colle à l’histoire même si ce type de cinéma américain reste basé sur des codes très précis. La créativité est là, au service du récit.
Nolan compare Oppenheimer à Prométhée qui avait osé donner le feu aux humains et fut punit par les Dieux. Le scientifique lui, a donné la bombe aux hommes pour détruire le monde. L’un des personnages le mettra en garde, le qualifiant à la fois de «visionnaire et aveugle ». Nolan pose les responsabilités de chacun et notamment celles contestées d’Oppenheimer contrarié par les autorités à l’époque du Maccarthysme. Il replace dans l’histoire le scientifique pris dans ses travaux et dépassé par les événements. Tout en étant un spectacle somptueux le film pose la question de l’éthique, de la responsabilité de chacun dans la course à l’armement et leurs conséquences sur l’équilibre mondial.
Sortie le 19 juillet 2023.