Moi Capitaine retrace l’épopée poignante de jeunes migrants africains de leur Sénégal natal jusqu’en Italie. Matteo Garrone s’attaque à un sujet difficile dans cette fiction inspirée d’histoires vraies, celles de migrants qui ont vécu l’enfer. Le scénario est basé sur les vies de trois jeunes Africains, dont Amara Fofana, qui vit et travaille à Liège depuis maintenant cinq ans. Le film a remporté le Lion d’Argent du Meilleur Réalisateur à la Mostra de Venise et l’acteur Seydou Sarr a reçu le prix Marcello Mastroianni du Jeune Talent. Io Capitano figure sur la shortlist pour l’Oscar du meilleur film étranger.
Matteo Garrone assume un point de vue inédit sur la migration. Si les médias véhiculent nombre d’images de migrants entassés sur des embarcations de fortune, ou même coulées en mer, le cinéaste choisit de raconter le voyage de deux jeunes sénégalais de seize ans qui rêvent d’Europe. On a vu des documentaires marquants sur les migrations actuelles (Héros sans Visage de Mary Jimenez, Fire at the sea de Gianfranco Rosi). Côté fiction, les frères Dardenne racontaient dans Tori et Lokita la survie de jeunes immigrés en Belgique. Green Border d’Agnieszka Holland dénonce lui le sort réservé aux malheureux qui tentent de franchir la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. Mais jamais une fiction ne s’est autant attachée à ses protagonistes pour raconter ce que l’on ne voit jamais, l’irracontable entre le Sénégal et L’Italie par la traversée du désert du Sahara et de la mer Méditerranée. Un chemin parsemé de mafias hyper organisées en industrie de torture et de mort où le profit fait loi et l’inhumanité règne, au détriment des plus vulnérables.
Matteo Garrone ancre ses personnages dans leur milieu d’origine, il permet ainsi au spectateur de faire connaissance avec eux et de s’y attacher. Une terre natale riche de traditions, d’ancêtres et de leur famille. Il montre la vie quotidienne du jeune Seydou (Seydou Sarr), son travail, l’école, sa mère, Khady Sy, qui, lui interdira formellement d’envisager ce dangereux voyage « T’es naïf !» lui assènera-t-elle, furieuse. Convaincu par Moussa, Moustapha Fall, « Tu seras une grande star », il ment à sa mère et les cousins prendront la route. Ce qui aura l’air dans un premier temps d’une prise de liberté des deux adolescents tournera rapidement au cauchemar.
La mise en scène se veut invisible pour laisser place à l’histoire. Les petites digressions poétiques inspirées de rites africains sont bienvenues pour alléger le récit, bien pire dans la réalité aux dires du réalisateur, alors que cette fiction se distingue clairement par son réalisme.
Seydou est le plus empathique. Il est le seul qui se retournera dans le désert alors qu’une femme crie à l’aide, à terre, épuisée sous le soleil de plomb. Seydou est un vrai héros contemporain car malgré son jeune âge et sa peur, dans ce chaos créé par les hommes, dans l’enfer sur terre, il sera le seul à garder son humanité.