Green Border, Agnieszka Holland questionne l’humanité aux portes de l’Europe

Célèbre pour sa grande carrière de cinéaste engagée, Agnieszka Holland réalise avec Green Border une fiction sur la crise migratoire qui débuta entre la Biélorussie et l’Europe en 2021. Elle retrace la vérité des faits qui se produisent encore aujourd’hui à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne pour des milliers de personnes qui souhaitent y émigrer. Green Border est un uppercut et a reçu le Prix spécial du Jury à Venise. Le film a valu à la courageuse cinéaste nombre de critiques en provenance de l’extrême droite dans son pays, la Pologne.

Les forêts dangereuses qui forment la « frontière verte » entre la Biélorussie et la Pologne abritent des réfugiés qui tentent de rejoindre l’Europe par cette voie. La Biélorussie tente de saper l’UE en encourageant le passage de cette frontière, tandis que la Pologne refuse de les laisser entrer. Les réfugiés se retrouvent donc dans un no man’s land froid et marécageux, sans nourriture ni soins médicaux. Tels des pions dans un jeu politique, les vies de l’activiste Julia, du garde-frontière Jan et d’une famille syrienne s’entremêlent.

Agnieszka Holland pose la question de l’humanité de chacun face au fascisme. Une famille syrienne composée des deux parents, de leurs trois enfants dont un nourrisson et du grand père a vécu cinq ans dans un camp de réfugiés après avoir fui la guerre. Elle souhaite maintenant rejoindre le frère du père Jalal Altawil, en Suède. C’est l’opportunité pour eux de partir. Le début du film dans un avion est fulgurant. Leïla, Behi Djanati Atai, professeur d’anglais afghane d’une classe sociale visiblement aisée dans son pays a fui l’arrivée des talibans en Afghanistan. Elle souhaite demander l’asile en Pologne car son frère a aidé l’armée polonaise en Afghanistan. Jan, Tomasz Wlosok, garde-frontière polonais s’acharne à repousser les réfugiés pendant que sa femme s’apprête à accoucher. Julia, Maja Ostaszewska, va vivre une aventure qui la changera à jamais.

La cinéaste réunit un panel de personnages intriguants, humains, dont les destinées variées ne se seraient sans doute jamais croisées à part sur cette frontière où ils se sont retrouvés piégés.
Dans ce film en noir et blanc, éprouvant mais nécessaire, la cinéaste questionne l’entraide et n’épargne personne, loin des simplifications narratives et de tout manichéisme. Le grand père, Mohamad Al Rashi, refusera ainsi de laisser Leïla monter dans leur voiture, c’est Amina la mère, Dalia Naous, qui l’en convaincra.

Green Border dénonce le théâtre qui se joue aux portes de l’Europe avec des réfugiés trompés et utilisés selon l’expression de la cinéaste comme des « balles vivantes » visant à déstabiliser l’Union européenne. Le film questionne la responsabilité de chacun, soldats, citoyens et la renvoie au spectateur. Pouvons-nous accepter confortablement lovés dans nos fauteuils de salle de cinéma que de tels traitements soient infligés à des enfants et à des adultes ? Que des humains soient utilisés comme armes vivantes contre l’Europe ? Avec ses personnages profondément humains la cinéaste ouvre courageusement le débat.