
Dans Origin Ava Duvernay (When they see us, Selma) signe une comédie dramatique brillante inspirée de l’oeuvre de la journaliste Isabel Wilkerson lauréate du Prix Pulitzer, Caste : The Origins of Our Discontents. Véritable Best-seller après le meurtre de Georges Floyd aux Etats-Unis, son livre n’a toujours pas été traduit en français. Il est transposé à l’écran dans un biopic révolutionnaire qui entrelace la vie et les recherches fondamentales de cette intellectuelle noire avec une profonde intelligence. La journaliste effectue des recherches sur les piliers des fondements du système de caste dans le monde et c’est brillantissime. Ava Duvernay était la première réalisatrice afro-américaine en lice pour le Lion d’Or en septembre 2023, mais le film aura malheureusement échappé à la Mostra de Venise. Cette fiction à la fois populaire et pédagogique est à voir d’urgence.
Isabel vit paisiblement avec son mari mathématicien Brett Jon Benrthal, un être plutôt charmant. Le couple mixte idéal. Elle est sur le point de placer sa mère adorée dans une institution. Parallèlement, elle cherche à écrire un nouveau roman. C’est alors qu’on lui propose d’écrire un article sur la mort d’un jeune noir abattu dans un quartier résidentiel à majorité blanche. A travers trois histoires passées la journaliste dénoue les fils de ce que l’on appelle le racisme pour en comprendre l’origine véritable et le sens.
Aunjanue Ellis est époustouflante dans le rôle de ce personnage de femme noire intellectuelle, journaliste, chercheuse et écrivaine. Est-il besoin de rappeler combien un tel personnage est absent de nos chers grands écrans? Son mari Brett est à la hauteur de la gentillesse qu’elle lui prête. Sa cousine Marion, fidèle confidente depuis l’enfance est interprétée par Niece Nash. A travers ce personnage, l’héroïne d’une classe plutôt aisée, transfère ses idées d’un milieu social à l’autre et relie les classes sociales en diffusant l’information.
Côté mise en scène on retrouve la manière d’envisager le récit de l’excellente série de la cinéaste, When they see us. Sa patte cinématographique est reconnaissable dans ses cadrages décadrés et sa caméra mouvante qui va chercher l’élément narratif.
Ava DuVernay se positionne pour une réflexion en toute intelligence dans ce pamphlet révolutionnaire à l’opposé des courants extrêmes. Elle se sert du passé, d’histoires des années 30 et plus, pour démontrer le présent. Elle ne sépare pas les communautés, son héroïne vit en couple avec un homme blanc dans un mariage mixte heureux et idéal. Dans une scène la cinéaste dénonce la séparation créée par Trump entre les citoyens américains. Un plombier à la casquette Make America Great Again, pro-Trump, hésitera à venir en aide à Isabel. La journaliste devra le ramener à leur humanité commune au delà de la fracture politique entre une femme noire et un homme raciste. Passée la critique politique, La cinéaste montrera également les livres brûlés par les nazis… Démontrant ainsi les limites du wokisme et de la cancel culture, courants qui souhaiteraient effacer le passé et séparer les gens en communautés distinctes.