Oxana, de Charlène Favier, un vibrant biopic sur une figure touchée par la grâce

Second long métrage de Charlène Favier après Slalom, Oxana est un biopic vibrant sur Oksana Chatchko, devenue ici Oxana, artiste et figure féminine militante à l’origine du mouvement Femen. Charlène Favier retranscrit la destinée tragique de cette jeune femme avec passion en épousant son point de vue et réalise avec beaucoup de sensibilité le biopic d’une figure sainte touchée par la grâce.

Il fait beau ce 23 juillet 2018 à Paris. Artiste ukrainienne, activiste réfugiée en France, Oxana se prépare au vernissage de sa première exposition dans la capitale française. Dans le rôle d’Oxana, Albina Korzh crève l’écran, insufflant une intense vérité et énergie à son personnage. La construction du récit est brillante, structurée dans un scénario savamment orchestré. Oxana nous est présentée de son enfance campagnarde en Ukraine auprès d’une mère complice et d’un père brutal. Artiste dans l’âme, la jeune fille peint des icônes orthodoxes depuis son plus jeune âge et par la suite détournera ces figures christiques dans un puissant message politique. On découvre cette intrigante jeune femme lors de ses premières manifestations contre la corruption, la prostitution des femmes, en Ukraine puis au delà, en Russie et en Biélorussie. Avec deux amies étudiantes, Lada, Aleksandra Shevchenko et Anna, Oksana Zhdanova, elle va s’insurger contre l’injustice, comme contre ce chirurgien alcoolisé responsable du décès de patientes lors d’opérations chirurgicales. Le trio fonde alors le mouvement des Femen. « Nos seins, nos armes ! », les jeunes femmes décident d’inscrire des slogans sur leurs seins, même si cet acte sur une partie intime leur demande un effort immense. Elles feront face, seules, telles des pancartes humaines, aux totalitarismes risquant leurs vies lors d’impressionnantes violences policières. Elles seront rejointes plus tard par une figure discutable selon les écrits de Oksana elle même. Inna, Maryna Koshkina deviendra le totem des Femen tant son beau visage entouré de cheveux longs blonds représentent la caricature de l’ukrainienne.Le film retranscrit la véritable histoire des Femen d’après la version d’Oksana elle-même et notamment sa vérité de ce dernier personnage.
La cinéaste nous présente son personnage principal comme une figure symbolique par sa pureté. Une femme touchée par la grâce. Dans la séquence de début du film, lors d’une fête traditionnelle, cheveux recouverts d’une couronne de fleurs, plutôt que d’espérer trouver un mari en jetant les fleurs à la rivière la jeune femme annonce vouloir se marier avec Dieu. La cinéaste part du traditionnel pour en venir à la création de ce personnage, à sa prise de consistance dans son évolution. Inspirée, la mise en scène nous invite à ressentir l’émotion de la jeune femme dans des séquences mystiques de nature avec le souffle du vent et une lumière fulgurante, en épousant son point de vue dans une sorte de connexion surnaturelle.

Charlène Favier raconte Oxana dans sa destinée tragique et dépeint une Jeanne d’arc des temps modernes, une figure sacrificielle touchée par la grâce. Une madone et une femme pour qui « sans combat la vie ne vaut d’être vécue » qui ira jusqu’à édifier en arme de guerre la nudité pour être vue et écoutée peignant un corps et des seins devenus armes de combat. Une vie tragique dans le sacrifice pour la justice et la liberté. Charlène Favier signe le vibrant et surprenant portrait d’une jeune femme méconnue pourtant au cœur du mouvement international des femen dont les statuts ont été effacés par Inna en créant Femen France, toujours d’après les écrits de Oksana. Ces trois amies et militantes ont été dépossédées de leur lutte et de leurs avancées. On les leur a volés. Charlène Favier leur rend justice dans ce film hommage.