Connemara d’Alex Lutz, retour en nostalgie pour Mélanie Thierry

Ancrés dans le réel et la nostalgie d’une époque, très visuels, les romans de Nicolas Mathieu interpellent les cinéastes. Dernière adaptation très réussie, Leurs enfants après eux par les frères Ludovic et Zoran Boukherma qui n’a pas eu l’attention méritée en salle. Connemara s’inscrit dans ce qui est en passe de devenir une tradition française et c’est Alex Lutz qui s’empare de l’adaptation du livre éponyme de l’auteur paru en 2022 chez Actes Sud. Une chronique sociale et générationnelle située dans l’Est de la France.

Très psychanalytique, le film présente davantage que le roman un très beau portrait de femme dans une forme plus onirique que le livre. Le cinéaste épouse joliment le point de vue d’une femme issue d’un milieu modeste qui a gravi les échelons. Hélène est un transfuge de classe. Elle a fait du chemin depuis sa ville d’enfance, Epinal. Bouffée par son quotidien, victime d’un sévère burn out elle revient dans sa région natale dans l’espoir d’un renouveau. Les parfums de l’enfance l’effleurent soudain. Alex Lutz parvient à les transcrire cinématographiquement d’une manière très belle et sensible. Des flash-backs viennent parasiter les vies des deux personnages, car Hélène croise par hasard Christophe Marchal, Hockeyeur émérite, beau gosse des années lycée et lointain objet de désir de son adolescence. Hélène a fui sa région tandis que Christophe s’y est ancré. Alex Lutz met en scène la rencontre entre ces deux France, deux mondes désormais étrangers qui rêvent de s’aimer.

Électrisante dans le rôle d’Hélène,Mélanie Thierry en force et en doute investit admirablement son rôle. Elle permet à Hélène de respirer, cette cadre redoutable issue d’un milieu qu’elle jugeait trop étroit pour elle. Face à elle, Bastien Bouillon revêt le côté terrien de Christophe Marchal, ce hockeyeur star d’une époque adolescente qui, les années passant, n’est plus aussi rapide sur la glace.

Alex Lutz caractérise son adaptation par une mise en scène favorisant le poétique. Il choisit d’esquisser les faits plutôt que de les montrer. Grâce à de subtils stratagèmes, voix-off, hors-champs et flous, le spectateur s’invite discrètement dans les pensées de son personnage principal, Hélène, cette mère de famille quarantenaire. Profondément générationnel le film évoque l’âge adulte des responsabilités, coincé entre enfants et parents âgés à gérer. Les deux protagonistes principaux vivent comme en miroir, au bout du rouleau. Le formidable Jacques Gamblin interprète le père de Christophe atteint de démence. Outre le romantisme amer de cette histoire, le thème de la maladie mentale est central. Burn out, démence, l’être humain est faillible et les anti-héros combattent cette fragilité au quotidien. Hélène dérive dans ses pensées, ses rêves et répare sa réalité à l’aide d’une très grande Mélanie Thierry. 

Connemara se réfère également à la chanson populaire de Michel Sardou « Les lacs du Connemara », symbole de la fracture sociale d’une France scindée en deux, entre le populaire et l’intello et cristallise à jamais l’abysse entre fantasme et réel.