
Dernier long métrage des frères Dardenne, Jeunes Mères est une fiction qui touche en plein coeur. Les cinéastes racontent la maternité contrariée d’adolescentes pour qui tout ne s’est pas passé comme prévu, mais qui ont la chance d’être accueillies dans une maison maternelle. Un lieu salutaire qui tente de les soutenir dans le droit chemin, dans ce moment suspendu de leur vie où tout un monde est à (re)construire pour elles et leur nouveau-né. Dans un scénario inspiré, les frères traitent de ce sujet avec une grande justesse dans un film choral, choix très judicieux qui renforce la puissance narrative. Ils suivent les destinées de cinq personnages hébergés avec leur nourisson par une maison maternelle de la région liégeoise. Les lauréats belges de deux Palmes d’or, Rosetta (1999) et L’Enfant (2005) débarquent une nouvelle fois sur la Croisette, le poignant Jeunes Mères est sélectionné en Compétition Officielle au 78ème Festival de Cannes. A lire aussi: entretien avec les frères Dardenne.
Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma ont en commun de vivre dans une maison maternelle où elles apprennent à devenir mère. Cinq adolescentes aux vies bouleversées, qui se battent avec l’espoir d’une vie meilleure pour elle et leur enfant. Au casting on trouve des visages jeunes, délicats et très convaincants. Babette Verbeek (Jessica), Elsa Houben (Julie), Janaina Halloy Fokan (Ariane), Lucie Laruelle (Perla), Samia Hilmi (Naïma) interprètent ces personnages singuliers aux destinées contrariées mais solidaires dans le lieu protégé où elles vivent. Dans ce moment de perte de repères pour ces adolescentes, les aidantes de la maison maternelle constituent un soutien essentiel. Une présence solide et encadrante pour responsabiliser les jeunes filles, leur permettre de s’occuper de leur nourrisson et poser les bases de leur vie future. Malgré leur jeune âge et dans leur encombrante solitude, ces adolescentes doivent trancher des décisions d’adultes. Quel est le meilleur choix pour elle et leur bébé ? Faudrait-il le confier à l’adoption? Les femmes de l’institution les aideront à faire face et à prendre des décisions cruciales, chacune selon sa propre histoire.
Dans ce drame social aussi poignant qu’essentiel, avec leur écriture nerveuse en plan séquence qui épouse l’urgence que vivent les protagonistes, les cinéastes confirment leur modernité et leur choix pour des sujets d’actualité forts. Ils apportent un éclairage brut bienvenu sur la réalité de la maternité pour ces adolescentes-mères. Ils s’intéressent ici à des personnages féminins en devenir qui comme leur progéniture commencent une vie qui reste à inventer. A une époque où l’avortement, la liberté et les droits des femmes sont remis en question à plusieurs endroits de la planète, les cinéastes prennent le problème à bras le corps par l’analyse et le constat en dehors des clichés, intelligemment, par l’émotion de la fiction dans une démarche toujours documentée. Ils démontrent également l’importance de l’aide sociale. L’aide sociale permet la réinsertion des jeunes mères dans la société par des aides financières comme le loyer d’un appartement. Les maisons maternelles et le personnel aidant apportent aussi à ces jeunes filles une aide pour se prendre en main mais aussi un lieu pour se poser et réfléchir. Ce film très émouvant laisse de l’espoir quant à cette jeunesse forte et pleine de ressources malgré l’angoisse de cet impressionnant saut dans l’inconnu.
Photo © Christine Plenus