Dans L’Empire, Bruno Dumont, convoque la Guerre des Etoiles en ch’ti

L’Empire est un OVNI cinématographique signé par le cinéaste français Bruno Dumont (Ma Loute, Jeanne) qui raconte dans cette Tragicomédie la confrontation explosive de deux mondes aux antipodes. L’univers emprunt de réalisme social du cinéaste, le Nord, ses paysages battus par les vents, ses maisons en briques rouges et ses habitants à l’accent tranché se frottent à une oeuvre, Star Wars de Georges Lucas. Dans ce long métrage de Science -fiction, Bruno Dumont réinterprète sa Guerre de Etoiles. L’Empire a remporté L’Ours d’Argent Prix du Jury à la Berlinale 2024. A lire aussi : Entretien avec Bruno Dumont.

Des forces extra-terrestres luttent pour envahir la terre et vont s’affronter dans un petit village côtier du nord de la France. L’enjeu ? Un bébé, Freddy, le prince des ténèbres dit «le Margat » (le marmot en cht’i) protégé par son père Jony, Brandon Vlieghe, sorte de cowboy du mal lié à Belzébuth Fabrice Luchini, qui semble s’amuser incroyablement de ce rôle où il siège dans un grandiose vaisseau-palais. En face, les forces dont l’objectif est de répandre le bien, celle du Jedi, sont essentiellement féminines, installées dans un vaisseau-cathédrale sous le règne de la Reine Fabrice, Camille Cottin. Son envoyée sur terre Jane, Anamaria Vartolomei (L’événement d’Audrey Diwan) crève l’écran de sa beauté et de son regard azur. Elle forme le jeune Rudy Julien Manier, aux rudiments Jedi, exception masculine de la force.
Le casting mené par des acteurs investis dans leur personnages aux costumes ténus est essentiel à la véracité de cette histoire. Outre les décors triés sur le volet, Bruno Dumont use d’effets spéciaux aux rendez-vous, condition incontournable d’une adaptation de Star Wars avec ses vaisseaux fantômes.
Cette fiction humoristique déstabilise pas mal le spectateur qui s’accroche à de nouveaux repères pour comprendre cette adaptation ovniesque entre Le pt’t Quinquin d’un côté, Star Wars et Body snatchers de l’autre. Les humains possédés par des créatures sont envisagés comme des super-héros ultra genrés avec un Jony ultra viril et une hyper sexualisation de la femme comme Line ou Jane. Cependant la vision de la femme questionne. Les personnages féminins, comme Line Lyna Khoudri, cagole du Nord droguée au GSM, ou Jane, très dénudées, ne sont pas d’une intelligence folle et sont des personnages un peu faibles. Après avoir couché avec un homme l’une d’elle se plaindra plus tard de sa main au fesses. Peut-on y voir autre chose qu’une critique du phénomène #Meetoo et de ses retours en arrière de certaines victimes? Ce questionnement est quelque peu malaisant pour le spectateur, même si l’on sait bien que les idées du cinéaste, ancien professeur de philosophie sont rarement manichéennes. Lui qui met depuis longtemps des personnages féminins dans toute leur complexité à l’écran, comme Jeanne la réincarnation de Jeanne D’Arc, France, tableau de la France en crise croisé avec celui d’une journaliste star brillamment incarnée par Léa Seydoux.

Dumont signe à travers cette réinterprétation de la Guerre des étoiles une satyre de notre société prête à s’effondrer. Il critique une société binaire, la lutte entre les zéros et les uns des hommes et des femmes qui est en train de couler. L’humour et l’incongruité du récit viennent à la rescousse de ce film improbable devant lequel chacun se fera son propre avis, emporté ou non dans ces combats intergalactiques.