
Amat Escalante (Heli, Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes 2013) cite le poète russe Dostoïevski en introduction à son dernier long métrage, Perdidos en la noche (Lost in the night) par une nouvelle, Le Rêve d’un homme ridicule, publiée dans Le journal d’un écrivain. Le cinéaste se démarque par son audace à mettre en scène des univers bien particuliers (La Région Sauvage 2016). Il s’attelle ici a un genre un peu plus classique et plus cadré, celui du thriller. Perdidos en la noche prend le temps de se déployer en longueur sur un scénario chargé de ramifications multiples toutes liées à une même terre, celle du Mexique.
Dans une petite ville du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère, qui a eu lieu trois ans auparavant. Activiste écologiste, cette femme courageuse s’opposait à l’industrie minière locale. Sans aide de la police ni des services judiciaires, les recherches d’Emiliano le mènent à la famille Aldama.
Emiliano, excellent Juan Daniel García Treviño et sa copine Jazmin, María Fernanda Osio vivent un amour de jeunesse pur. Leur innocence fera contrepoint dès leur rencontre à la famille Aldama, plus ténébreuse qu’il n’y paraitra au premier abord. Le dysfonctionnement de la famille Aldama est parfaitement illustré par la maison qu’ils investissent. Carmen, la mère, Bárbara Mori est une star, le père un artiste en proie à la détestation de la secte locale des Aluxes. L’ado provocante et sexy, dépourvue de repère dans cette famille toxique, Monica fille de Carmen, Ester Expósito, tente quant à elle de survivre. Leur lieu de résidence est un véritable personnage du récit, une maison grise, austère, menaçante, une sorte de forteresse à l’architecture de bunker, digne d’un film lynchien tel Lost Highway. Des fenêtres incisives partout, comme « les meurtrières » de Lost Highway, évoquent le voyeurisme des ou sur les personnages a l’intérieur comme à l’extérieur.
Ce thriller balaie la réalité d’un Mexique en proie à la corruption, notamment dans la police et parmi les autorités. Il ambitionne de traiter tant de thèmes différents que le fil du récit finit par se perdre un peu, comme lors de ce moment où soudainement Emiliano s’embarque avec un gang, illogisme dans le narratif. Amat Esclalante filme les grands espaces du Mexique façon cinémascope avec passion et épouse par là même le souci écologiste de ses personnages. Dans ces grands espaces infinis retentissent les sons des bombes des explosions de la mine, comme des menaces sourdes et lentes.
Entretien avec Amat Escalante pour La région Sauvage.