
All we Imagine as light est le premier long métrage de fiction de Payal Kapadia après Toute une nuit sans savoir, lauréat de l’Oeil d’Or du documentaire à Cannes en 2021. Ce drame incarnait en mai dernier le retour de l’Inde en Compétition Officielle au 77ème Festival de Cannes. Une date à marquer d’une pierre blanche puisque ce pays n’avait plus été en lice pour la Palme d’Or depuis 1994 avec Destinée de Shaji N. Karun. All we Imagine as light a remporté cette année le Grand Prix du Jury. A lire aussi : entretien avec Payal Kapadia.
À Mumbai, le quotidien de Prabha est perturbé lorsqu’elle reçoit un cadeau inattendu de son mari parti vivre à l’étranger. Sa jeune colocataire, Anu, essaie en vain de trouver un endroit dans la ville pour faire l’amour avec son petit ami. Un voyage dans un village côtier offre aux deux femmes un espace où leurs désirs peuvent enfin se manifester.
Au centre du récit Payal Kapadia raconte la condition des femmes de son pays dans un bel hommage. Elle explore la solitude des femmes contraintes par les traditions de milles manières. Plusieurs générations se côtoient et la belle évolution des personnages crée une histoire profondément humaine. Payal Kapadia montre une histoire d’amour pure entre Anu et Shiaz tout en y opposant l’absence d’avenir. Anu, Divya Prabha, aimerait refuser un mariage arrangé imposé par ses parents et aime Shiaz, Hridhu Haroon, qui est musulman, ce qui pose un problème en Inde. De son côté Prabha, Kani Kusruti est sans nouvelle d’un mari parti travailler à l’étranger. Toutes deux sont infirmières mais ne sont pas indépendantes dans cette société qui fait peser des devoirs sur elles.
All we imagine as light est un drame sur l’illusion où la cinéaste prend le pouls de la société indienne contemporaine. La première partie se situe dans la ville de Mumbaï, filmée comme un personnage du récit à part entière. Faite de bruit, de foule oppressée mais où l’on trouve un travail, Mumbaï provoque l’illusion. « Il faut croire en l’illusion de la ville pour ne pas devenir fou ». La seconde partie est le retour au village, qui s’ouvre sur l’espace, la nature le calme et la vie paisible pour les protagonistes mais aussi sur la pauvreté. L’absence d’électricité, de sanitaires et de soins médicaux (pas d’hôpital mais un médecin qui arrivera quand il le pourra). L’occasion pour la cinéaste de mettre en scène une forêt magique. La délicate mise en scène de Payal Kapadia suggère plutôt que d’insister sur les choses. La cinéaste compte sur la participation active du spectateur pour comprendre le récit. Le film montre combien les traditions sont ancrées dans une société et que si les personnes, mêmes les femmes s’ouvrent au changement un avenir est possible.