Mickey 17, une dystopie plus vraie que nature de Bong Joon Ho

Après le succès planétaire de Parasite, Bong Joon Ho réalise Mickey 17, un long métrage américano sud-coréen, adaptation du roman SF Mickey 7 d’Edward Ashton (2022). Terriblement imaginative, cette dystopie questionne de nombreux sujets chers au cinéaste, du social à l’existentiel, formidablement mis en scène et servi par des acteurs phares comme Robert Pattinson et Mark Ruffalo qui donnent chair à cette effrayante histoire. Cette dystopie rappelle étrangement le basculement du monde que l’on est en train de vivre.

2054 après JC. Mickey Barnes, Robert Pattinson, est courageux mais pas fort malin. Dans l’urgence, pour fuir des problèmes de mafieux bien terrestres et probablement mortels à terme, il signe un contrat pour un job sur une autre planète. Même destination pour son pote Timo Steven Yeun, qui,dans le même bourbier se révèle un poil plus malin. Summum de l’Anti-héros Mickey Barnes se tuera à la tâche… littéralement ! Car c’est ce qu’exige de lui son entreprise : mourir régulièrement pour gagner sa vie. Son seul rayon de soleil est Nasha,soldate du vaisseau qui avec le sourire lumineux de Naomi Ackie éclaire ce monde bien obscur. Décidément parfaite en guerrière et après son rôle dans L’Empire de Bruno Dumont, Anamaria Vartolomei interprèteKai Katz, une autre soldate du vaisseau.

Thème cher à Bong Joon Ho la lutte des classes est ici impitoyable comme dans Parasite avec un monde du dessous, des pauvres comme dans Metropolis. Les Remplaçables sont des sous-êtres, des esclaves corvéables à merci jusqu’à la mort que l’on jette au rebut et dont on se sert indéfiniment pour des expériences scientifiques.
Les scientifiques, eux, sont des êtres blasés, sans aucun affect, qui jouent au jeu vidéo tout en ressuscitant un corps pris dans la boucle infernale du cobaye. L’Idée de jouer avec la mort n’est plus une limite, on réimprime les remplaçables. Ceux qui ont signé un contrat un peu trop rapidement ont vendu leur âme au diable. C’est le cas de Mickey qui fuit la Terre désespérément et signe ce contrat qui va le lier à des devoirs implacables.

En jouant avec la vie, grand tabou, cette grande entreprise de déshumanisation menée par un politique, Kenneth Marshall amène des questions existentielles. Les verrous éthiques et moraux ont sauté suite aux décisions de quelques humains. L’homme peut-il être répliqué ? Peut-on Jouer avec les limites de la mort ? Un jour sans fin, c’est bien ce que vit Mickey. A la question que tous les protagonistes posent à Mickey, « Qu’est ce que ça fait de mourir ? », Bong Joon Hoo ne répondra pas, par contre le cinéaste essaiera de sauver les valeurs du monde qui ont disparu.
Grand perdant des élections, Kenneth Marshall est interprété par l’excellentissime Marc Ruffalo en homme politique dictateur qui tente de charmer les foules. Son jeu avec sa moue, bouche en canard et les yeux plissés, son maquillage forcé, paraissent prendre modèle sur le président des États-Unis actuel. D’une bêtise profonde il parle sans filtre aidé par les murmures auriculaires de son épouse Ylfa, la haute en couleur Toni Colette. Les deux dirigeants vivent dans le luxe du vaisseau qui les mènera à leur nouvelle planète pendant que chaque gramme énergétique est compté pour le peuple, économie des ressources oblige. Tout cela après avoir bousillé la terre. Comme toujours chez le cinéaste les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Si l’on a vu Okja on comprendra aisément la passion du cinéaste pour les animaux, les monstres et autres créatures hors de nos normes.

Cette dystopie pousse les curseurs d’une idéologie mortifère à son paroxysme. Les points de convergence avec le mode de pensée des dirigeants américains actuels sont légions (Musk qui rêve de coloniser mars out l’écologie, on abandonne les planètes polluées pour coloniser ailleurs). Les partisans de Kenneth Marshall arborent des casquettes rouges au slogan « One and only » référence évidente au fameux slogan de Trump, « Make America great Again ». Le masculinisme est poussé à fond avec une misogynie crasse, « Il faudra peupler la nouvelle planète ». Ces ressemblances avec le réel rendent cette fiction d’autant plus effrayante. Est-on vraiment dans une dystopie ?

A lire aussi : Entretien avec les acteurs de Parasite Song Kang Ho et Lee Sun KyunCritique de Parasite

https://youtu.be/7b_Ed1uSfK0