La Venue de l’avenir: Cédric Klapisch défie le temps dans un film majeur

Avec La venue de l’avenir, le très contemporain Cédric Klapisch se confronte au récit historique et réalise une œuvre majeure de sa filmographie. Epopée sur plusieurs époques, cette comédie dramatique très ambitieuse est aussi populaire, généreuse et profondément humaine. Ce film magistral propose une réflexion sur l’art et le temps au coeur d’une famille. Il confronte deux époques en parallèle de manière brute et audacieuse, réunies par la quête des racines d’une famille et une ville de Paris fabuleuse, mise en scène dans sa géographie et transformée par l’histoire. Le film est projeté en Sélection officielle, Hors compétition au 78ème festival de Cannes. A lire aussi: entretien avec Cédric Klapisch.

Seb, Abdel, Céline et Guy reçoivent pour héritage une maison abandonnée. L’occasion pour ces lointains cousins de découvrir les trésors cachés de cette demeure. Des lettres et des photos anciennes vont les mettre sur la piste d’une mystérieuse Adèle qui a quitté sa région pour Paris, alors flamboyante capitale culturelle entre l’impressionnisme en peinture et l’avènement de la photographie. Klapisch emmène sa normande Adèle, Suzanne Lindon, voyager dans la France de la fin du XIXe siècle. C’est passionnant et la reconstitution d’époque est formidable avec mille trouvailles scénaristiques et visuelles. Imaginerait-on encore arriver à Paris en bateau ?

Le cinéaste réunit un casting de haute voltige. Vincent Macaigne, Julia Piaton, Abraham Wepler, Zinedine Soualem, Cécile de France, Sara Giraudeau ou encore François Berléand…. Et la chanteuse Pomme avec une chanson magique. Le scénario est inattendu, original et prend des allures de rêves de gosses à la recherche d’un trésor, celui des origines des protagonistes tout en s’engouffrant dans l’Histoire de France et celle de l’Art à la française.
Le récit se structure de manière complexe dans un parasitage en règle de deux époques. Le cinéaste passe d’une époque à une autre sans transition, parfois par une porte qui s’ouvre et ce style narratif audacieux fonctionne parfaitement. La saveur du cinéma de Klapisch fleure bon la jeunesse. Qu’elle soit contemporaine ou vienne du passé comme ici, le cinéaste envisage toujours la jeunesse avec la même énergie, fougueuse, pleine d’envie, de désir et d’avenir comme Anatole et Lucien (interprétés par les excellents Vassili Schneider et Paul Kircher), jeunes hommes respectivement peintre et photographe rencontrés par Adèle sur le bateau qui l’emmène à Paris.

Klapisch inscrit des réflexions cruciales par ce film sur les liens familiaux qui unissent les gens à travers un héritage laissés pour plusieurs descendants par une femme qui à la base a trois enfants. Pour raconter le passé il semblerait que le cinéaste ait besoin de s’ancrer dans le présent. Les protagonistes contemporains amèneront le passé au présent. On retiendra une séquence d’anthologie où convergeront les temps narratifs passé et présent par un habile subterfuge de scénariste. Avec beaucoup de légèreté et d’humour, Klapisch accompagne le spectateur en même temps que ses protagonistes qui tentent de démêler les mystères de l’histoire. Une réflexion sur le temps, la vie mais aussi sur l’art.Le temps long de prendre une photo à l’époque de Nadar est différent de celui ultra-rapide que prendra Seb aujourd’hui. Le cinéaste distille par ailleurs une légère critique de notre époque où réseaux sociaux et téléphones portables parasites viennent bousiller la vie de protagonistes toujours branchés et les aiguillera vers la recherche de sens dans leurs existences.

Le cinéaste s’amuse à retranscrire Paris à deux âges, majestueuse dans une autre géographie plus verte où l’on traverse les champs pour aller à Barbès. L’auteur assume les libertés prises avec l’histoire de personnages célèbres pour le kif d’un récit de haut vol. Il propose en fiction un hommage aux grands noms de la peinture (les impressionnistes), de la photo (Nadar) avant l’annonce de l’arrivée d’un objet bien étrange, le cinématographe. Il insuffle dans ce film-spectacle un vrai plaisir de cinéma.
Photo © Emmanuelle Jacobson-Roques

Critique et entretien avec Cédric Klapisch pour le film En Corps.