Enzo de Laurent Cantet réalisé par Robin Campillo, un film social lumineux

La projection de Enzo en ouverture de la Quinzaine des cinéastes du 78ème festival de Cannes était une place de choix pour la Première du dernier film de Laurent Cantet (Palme d’or en 2008 pour Entre Les Murs), décédé en avril 2024 et réalisé par son ami Robin Campillo (120 battements par minute). Oeuvre commune de ces talentueux cinéastes, Enzo réunit les thèmes chers à Laurent Cantet et Robin campillo qui ancrent également leur film d’une belle manière dans une actualité brûlante avec la guerre en Ukraine dont la présence est assez rare dans les fictions françaises. A lire aussi: entretien avec Robin Campillo.

Enzo, 16 ans, travaille comme apprenti maçon sur un chantier à La Ciotat. Son père le voyait faire des études supérieures et le presse de revoir ses aspirations. Enzo tente d’échapper au cadre confortable mais étouffant de la maison familiale. C’est sur le chantier, grâce à la rencontre de Vlad qu’il va réussir à entrevoir un nouvel horizon.

Enzo, Eloy Pohu, est perdu dans les méandres de l’adolescence. Le jeune homme aux mains lisses oublie de mettre ses gants qui pourtant le protègeraient des blessures. Son patron l’affirme « Il n’est pas manuel ». Enzo est un transfuge de classe volontaire. Il descend de sa villa paradisiaque avec piscine sur la route des crêtes, pour aller travailler dans un chantier au grand étonnement de ses collègues, notamment un jeune immigré ukrainien, Vlad, Maksym Slivinskyi. Sa mère, la solaire Elodie Bouchez est compréhensive tandis que son père, le charismatique Pierfrancesco Favino expérimente le choc frontal de découvrir un fils qu’il ne reconnait plus. Le jeune homme se questionne sur sa classe sociale, « Tu gagnes combien ? », demandera-t-il à sa mère en voiture dans une séquence époustouflante de gêne pour celle qui prétendra le contraire. Ce parcours initiatique est semé d’embûches pour le jeune homme en crise. L’habitation familiale est cernée de murs vitrés, on y est vu de partout et l’on voit tout, ce qui malgré la vue sur mer conforte l’étouffement de celui qui voudrait s’éloigner de son imposante famille. Il a des copains sans avoir vraiment d’attaches et choisit le travail de maçon pour construire « quelque-chose de solide », un repère auquel se raccrocher qui resterait, comme un roc dans le futur.

Robin Campillo filme le sud avec beaucoup de sensibilité. Il rend le film presque tactile comme l’est Enzo en mettant en scène les matières. Le générique se déroule sur un gros plan de crépi mural avec un fond sonore de chant des cigales. La nature est très marquée dans la bande son, la moindre brindille craque lorsque les protagonistes s’asseillent au sol et c’est très beau. Enzo est une sorte de film-essai qui dans son récit tente de sortir des brumes de l’adolescence pour s’accrocher à la matière, à du concret, tel que le jeune homme lui-même tente d’y parvenir. Un film onirique qui réunit les thèmes chers aux deux cinéastes.

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Entretien avec Laurent Cantet pour L’Atelier.
Entretien avec Robin Campillo pour L’Ile Rouge.