A good wife, premier film bouleversant de et avec la réalisatrice serbe Mirjana Karanovic : le drame personnel d’une femme sur fond de crimes de guerre.

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Milena (Mirjana Karanovic), la cinquantaine, est une épouse comblée : une vie confortable dans un pavillon de banlieue auprès d’un mari qui a réussi, Zlata (Ksenija Marinković), avec deux grands enfants (Katarina et Milos), des sorties avec de vieux amis et la chorale. Son gynécologue lui demande de faire un dépistage du cancer du sein, ce qu’elle préfère oublier en se jetant sur des tâches ménagères. En rangeant, elle découvre une vielle cassette sur laquelle son mari, enrôlé dans les milices serbes durant le conflit en ex-Yougoslavie, s’apprête à commettre un crime de guerre. Le vernis familial va se fendiller. Epouse parfaite, Milena paraît peu à peu perdre pied dans cette réalité qui lui avait échappé. Elle se rend compte petit à petit qu’elle ne communique plus avec sa famille et tente de maintenir un lien avec sa fille Katarina (Isidora Simijonovic), qui, rejetée par son père, est partie vivre à Belgrade où elle réussit sa carrière. Le clan des amis lui aussi est ébranlé : son amie soupçonne son mari de la tromper et frappe une serveuse. Déjan (Bojan Navojec), copain alcoolique de Zlata le menace de régler une affaire sinon « il le paiera ». Le docteur annonce à Milena un cancer du sein en lui reprochant de ne pas être venue plus tôt. L’héroïne devra dépasser sa nature conciliante pour accepter une réalité dérangeante et y faire face.

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Comédienne reconnue (chez Kusturica notamment), Mirjana Karanovic réalise ici son premier film. Talentueuse, elle l’a aussi scénarisé et incarne Milena. L’écriture est habile, les histoires se superposent et s’entrecroisent délicatement.

A travers la vie de l’héroïne, le drame s’attache à la question des exactions de guerre restées impunies. Le couple discute souvent devant la télévision où sont diffusés des débats incitant à juger les criminels de guerre. Ce contre quoi peste Zlada, et pour cause… Les personnages se débarrassent du passé en jetant les tenues des soldats, sorte de vestiges de guerre, tout en étant gênés, honteux (la voisine remplit son coffre des affaires de soldat de son mari décédé).

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Le film traite aussi de la place de la femme dans la société serbe. Epouse rangée comme ses amies, Milena va devoir casser les codes sociaux pour évoluer. Lors des discussions entre amies, elle discute nourriture ou fleurs… Katarina quant à elle est partie vivre pleinement sa vie de femme.

Le film pose la question essentielle : « comment fait-on quand on a vendu son âme ? » Le pope répond lui-même à sa propre question en disant : « qu’on ne peut pas la racheter ». Le spectateur ne pourra qu’éprouver de l’admiration pour ce personnage de femme courageuse qui va devoir transcender sa propre nature et faire des choix. L’émotion est intense et on laisse facilement échapper une petite larme face à ce destin exemplaire…

White Iris Award du meilleur premier film au Brussels Film Festival, juin 2016.