Hors Normes : Eric Toledano & Olivier Nakache signent une brillante comédie sur l’autisme

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Eric Toledano et Olivier Nakache (Le sens de la fête), s’inscrivent brillamment avec Hors Normes dans la tradition de la fiction documentée suivant la lignée du cinéaste Bertrand Tavernier. Celle dont émerge une vérité cinématographique troublante. S’inspirant du réel, ils réalisent un film sur l’autisme, sujet délicat qui pose d’emblée la question du regard du cinéaste et de son éthique. Les deux cinéastes maitrisent leur sujet et le ton sérieux de cette comédie se révèle très juste. Contrairement à Intouchables, les écueils ou facilités du traitement cinématographique sont ici évités.

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Ce film choral est d’abord servi par deux personnages charismatiques.
Bruno, Vincent Cassel, casquette vissée sur la tête par-dessus sa kippa, dirige depuis 15 ans La Voix des Justes, une association juive qui prend en charge les cas lourds d’autisme refusés par les hôpitaux. Bruno est inspiré de Stéphane Benhamou, le créateur de l’association Le Silence des Justes.

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Son acolyte, Malik, Reda Khateb, travaille à L’Escale, une association vouée à la réinsertion de jeunes issus des quartiers difficiles. Ces ados vont encadrer les malades de l’autisme. Les deux équipes se complètent à travers leurs leaders indépendamment d’un état français incapable de gérer les cas les plus lourds, sauf à coup de sédatifs et d’enfermement. Bruno et Malik aident les malades à recréer un lien avec le monde, au contact d’adolescents inadaptés et parfois maladroits. Dylan, Bryan Mialoundama, aura ainsi bien du mal à respecter les horaires prévus, primordiaux pour le fonctionnement de la chaîne d’entraide.
C’est très intelligemment que les cinéastes évoquent la colère présente à la fois chez les jeunes des quartiers difficiles et les autistes, qui sont parfois d’une violence extrême envers eux-mêmes. C’est le cas de Valentin, Marco Locatelli, dont on ne verra pas le visage, qui brise le cœur tel une sorte d’Elephant Man, avec son casque de boxe collé sur la tête, pour éviter qu’il ne se blesse.

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Eric Toledano et Olivier Nakache maîtrisent l’art de la mise en scène. Ils débutent leur film dans une urgence documentaire, suivant caméra à l’épaule le héros Bruno dans les étroits couloirs du bâtiment qu’occupe l’association. Ce procédé leur permet d’immerger directement le spectateur dans le réel pour l’embarquer dans une fiction prenante. Le scénario (écrit par le duo) est également très juste. Fait rare au cinéma, les personnes autistes sont ici des personnages à part entière et prennent une part presque charnelle dans l’écriture. C’est ce qui crée sans doute également la justesse de ton du film, sans oublier quelques touches d’humour bienvenues dans cette rude réalité. Les dialogues entre Joseph, Benjamin Lesieur (acteur non professionnel et autiste) et Bruno, sont surréalistes et sonnent pourtant si vrai.

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Comédie populaire, Hors Normes est aussi un film militant qui alarme sur la situation de l’autisme en France. L’inspection des agents de l’IGAS du Ministère de la Santé concernant l’association La Voix des justes, aide à élaborer un état des lieux. Le film dénonce un abandon de l’état français des cas d’autisme les plus lourds, auxquels se confrontent pourtant les personnages avec beaucoup de débrouillardise et une profonde humanité.