Il Traditore (Le traître) est une fresque passionnante qui nous emmène dans l’intimité de Cosa Nostra. Marco Bellocchio réalise un biopic historique sur Tommaso Buscetta, mafioso sicilien qui a osé briser l’omerta et provoqué une crise au sein de la mafia italienne. La mise en scène classique sied parfaitement à son sujet et nous montre une époque italienne un tantinet désuète qui n’est pas pour nous déplaire. Présenté en Compétition au dernier Festival de Cannes Le Traître marquait le grand retour de Marco Bellocchio dans cette sélection, dix ans après Vincere. Le film n’a curieusement pas eu l’attention qu’il méritait.
Le point de vue qu’adopte Bellocchio pour ce film choral est pour le moins original. Le cinéaste dépeint la mafia Sicilienne, la Cosa Nostra dont fait partie son personnage principal, de l’intérieur, dans l’intimité profonde des familles. Il invite le spectateur au centre de ce cercle familial fantasmé qui est celui des mafieux. Se baser sur le quotidien de cette bande de truands est judicieux et nous les rend « normaux ». On approche ainsi le héros du film, Tommaso comme un père de famille, un homme fait d’humanité. A un détail près, c’est un gangster. Le lien entre la violence et la normalité de ces vies fascine. Ce thriller haletant est rythmé par des règlements de compte à travers la vie de famille de femmes, d’enfants et où les hommes règlent malgré tout leurs différends sans aucune pitié. Pierfrancesco Favino assume admirablement la forte personnalité de ce protagoniste au destin exceptionnel parti se cacher au Brésil, accompagné de sa femme, aux traits ressemblants à ceux de grandes actrices italiennes, Maria Fernanda Cândido.
Bellocchio dessine un portrait grandiose des événements provoqués par Tommaso Buscetta qui déclencheront des tueries en cascade au sein de la Cosa Nostra et mèneront à l’assassinat du juge Falcone. Comme un grain de sable au sein du système. Le style, un tantinet passéiste des années 80 a peut-être déplu à Cannes alors qu’il est superbement reconstitué et épouse son sujet avec brio.
Extrait de l’Entretien avec Marco Bellocchio « 50 ans de liberté cinématographique »:
« On travaille sur un projet assez complexe, un personnage qui est très loin de mon expérience ! (rires). Il s’appelle Tommaso Buscetta, grand collaborateur de l’état et boss de la mafia qui avait collaboré avec un grand juge, Giovanni Falcone. La trahison peut avoir des significations différentes en fonction du point de vue que l’on épouse. C’est la trahison de Judas mais aussi la trahison de quelqu’un qui ne croit pas, ou plus, à ce en quoi on l’a obligé à croire. Moi j’ai trahi la religion catholique car mon éducation, sans être radicale, suivait ces principes. Je l’ai trahie à partir du moment où je l’ai abandonnée. Un mafieux qui trahit la mafia pour collaborer avec les juges ça reste une trahison. C’est cette ambiguïté qui m’intéresse ».