Dans La dernière folie de Claire Darling, Julie Bertuccelli (L’Arbre), adapte sur un scénario co-écrit avec Sophie Fillières un roman de Lynda Rutledge, Le Dernier vide-grenier de Faith Bass Darling. Elle réalise un conte, une tragi-comédie délicate et inspirée sur l’histoire d’une femme convaincue de sa propre mort le jour même, qui va vendre toutes les vieilleries de son manoir, au beau milieu d’un pittoresque village de l’Oise, Verderonne. Vieilleries qui se révèleront de véritables objets d’art qui constituent l’âme de cette magnifique maison de maître. Automates, tableaux, poupées de porcelaine, c’est un monde poétique et formidablement visuel que la vieille dame avec ses absences a décidé d’offrir aux badauds pour une bouchée de pain lors d’un vide-grenier.
Sacrée personnalité que Claire Darling, campée par la grande Catherine Deneuve, robe à fleur, chapeau de paille et cheveux grisés, dont les frasques alerteront via une amie d’enfance, Martine, Laure Calamy, sa fille parisienne avec laquelle elle n’entretient plus de relation. Marie, Chiara Mastroianni interprète cette adulte désarçonnée face à cette mère lointaine qui lui lance qu’elle a « un peu grossi, non ? » lors de leurs retrouvailles. On est forcément un peu touché par le parallèle au réel de ce couple mère-fille d’actrices qui se confronte à un sujet délicat. Marie se prend ainsi en pleine face la vieillesse, les coups de folie et malaises de sa mère.
Le scénario est joliment écrit, les époques se succèdent et s’entremêlent au gré des souvenirs des personnages, l’occasion pour Alice Taglioni d’interpréter Claire jeune. Le passé des protagonistes va défiler à travers ces objets et les blessures vont rejaillir, comme le souvenir trouble de ce fils et frère, Martin. Marie se croisera elle-même plus jeune, ado en pleine fugue au milieu du village. Les enfants du passé courront au milieu de la brocante du parc. La construction narrative est aussi affinée que le décor de ce film, et que ses personnages dont les objets font partie intégrante, comme cette pendule magique éléphant « qui aide à s’endormir la nuit ». La musique du compositeur Olivier Daviaud, douce et ludique à la fois, intervient judicieusement pour évoquer le monde des objets animés, le conte. Elle illustre bien la phrase de l’héroïne, « La beauté des objets qui nous entourent élève l’âme ».
Cette fiction évoque avec légèreté un sujet grave, celui de la vieillesse, de la perte de l’esprit et des proches. Son style un peu fantastique insistant sur des univers très visuels et spécifiques – la maison ancienne et son monde endormi, le cirque du village et ses personnages, son chameau, les manèges – est appréciable. Un récit doux, original et très inspiré qui fait du bien.