Daily Cannes! Jeanne Du Barry, Film d’Ouverture du 76ème Festival

C’est en grande pompe que Maïwenn présente son délicieux long métrage à Cannes, Jeanne Du Barry et d’une belle manière, puisque le récit se déroule à Versailles au sein de la Cour du roi Louis XV. Après ADN, la cinéaste signe la biographie de cette figure controversée de l’histoire de France, la Comtesse Jeanne Du Barry. On salue l’audace de la cinéaste qui signe un pamphlet féministe passé au doux son de modernité. Le film projeté Hors Compétition Officielle ouvre le 76ème festival de Cannes.

A travers la biographie de Jeanne de Vaubernier qui deviendra la Comtesse Du Barry, Maïwenn transpose à l’écran un puissant destin de femme, en dévoilant des vérités de l’époque. Enfant illégitime d’un moine et d’une cuisinière, la jeune fille était vouée à un avenir de débauche, si elle n’avait croisé quelques bienfaiteurs sur sa route. Malgré toutes les contraintes d’alors pour une femme, Jeanne Du Barry est parvenue à se créer une vie, à trouver un peu de liberté en devenant courtisane. Maitresse de Jean Du Barry, Melvil Poupaud, celui-ci souhaitera profiter des avantages de la cour. Pièce maitresse d’un jeu mené par les hommes elle suivra ainsi le plan des nobles avides de la reconnaissance du roi et notamment du Duc de Richelieu, formidable Pierre Richard, qui vont imaginer la mener au Roi Louis XV. Appelée à la cour, cette passionnée de lecture deviendra vite la favorite de Louis XV, face aux yeux malveillants de tous. Maïwenn interprète elle-même cette figure historique inspirée par le naturel. La comédienne-cinéaste a gardé sa chevelure lâchée ce qui ne manquera pas d’estomaquer les passionnés de justesse historique, les autres ne s’arrêteront pas à ce détail. On regrette un tantinet le jeu un poil trop frivole de la réalisatrice pour son personnage, contrebalancé par Johnny Depp qui insuffle du charisme à son rôle de souverain. Exit son côté rock,la star américaine est métamorphosée en Louis XV. Sa prestation exceptionnelle porte la fermeté, le sérieux, le souci, le poids des responsabilités du roi. La Borde, Benjamin Lavernhe, Sociétaire de la Comédie Française, homme de confiance du roi constituera un soutien sans faille de la jeune femme tout en laissant paraitre son humanité.

La cinéaste filme le faste de Versailles avec grandeur et délectation, profitant de pièces immenses en plans d’ensemble dans lesquelles discutent les minuscules personnages. Elle rappelle la grandeur d’une France de l’époque, Versailles, à la cour du Roi, tout en déchiffrant les codes artificiels de cette société du spectacle. En découvrant les us et coutumes de la cour, Jeanne découvrira un monde de règles et de faux semblants souvent stupides. Les petits pas à reculons car «Il ne faut jamais tourner le dos au roi», qui font ou défont une réputation. La belle l’apprendra à ses dépends. «C’est grotesque!» s’exclamera-t-elle, « C’est Versailles! » lui répondra La Borde. La cinéaste joue avec des vérités cocasses de l’Histoire qui témoignent d’un éloignement du pouvoir avec la réalité. Le faux lever du roi est mis en scène après que ce dernier ait quitté sa véritable couche par des passages secrets. La cour que Jeanne regardera derrière un miroir sans tain peut ainsi assister au spectacle quotidien puis s’en aller à reculons. Le cadeau du roi à Jeanne, Zamor (à 8 ans Ibrahim Yaffa) un « négrillon » l’appelleront-ils, épatera la galerie alors que Jeanne l’affectionnera dès le début. Scène qui témoigne encore d’un regard superficiel, exotique et malsain de ce microcosme bien éloigné du réel.

Maïwenn rend ses lettres de noblesses à un personnage malmené de l’histoire de France, un électron libre (comme elle) qui a apporté son style nature à la cour, une mode à la garçonne en osant s’habiller en homme. Louis XV est le dernier roi à avoir achevé son règne avant la Révolution. La cinéaste se penche ainsi sur les prémices du grand soulèvement de la population française en 1789, puisque Louis XVI et Marie Antoinette succéderont à Louis XV et connaitront la suite tragique que l’on sait. Quant à Jeanne Du Barry, elle fut anoblie puis également guillotinée lors de la Révolution Française. Faut-il y voir un lien avec l’époque actuelle ?

Sortie dans les salles belges le 17 mai 2023.