
Cheveux longs, épaules rentrées, Holly, 15 ans, traîne avec son seul ami superbement interprété par Felix Heremans à fleur de peau. Un matin la jeune fille appelle son école pour prévenir qu’elle n’ira pas en classe. Le même jour un incendie fera plusieurs victimes parmi les élèves. Le début d’un grand bouleversement dans la vie de Holly.
Les acteurs sont d’une justesse folle. Cathalina Geeraerts (Bisato d’Oro-Prix de la Meilleur Actrice au Festival de Venise 2023) est saisissante dans le rôle principal. La jeune femme crève l’écran de son visage d’ange au teint diaphane telle une madone, qui capte incroyablement la lumière, mise en valeur par la photographie de Frank Van Den Edeen. On croit à un énième film sur le harcèlement scolaire et le récit dévie à 90 degrés pour nous emmener dans une ténébreuse histoire au frontières de l’inexplicable dans un suspense et une tension constante épousant le thriller. Une atmosphère doucement insufflée par la musique intrigante et immersive de Johnny Jewel (Twin Peaks, Drive). Greet Verstraete interprète en retenue la professeure investie de Holly et va la ramener au sein d’un groupe dont la jeune femme est rejetée.
Fien Troch ravive le mythe de la sorcière en parallèle avec le sujet ultra contemporain du harcèlement à l’adolescence. On est à la fois au moyen âge sur la place du village et en 2023 avec les réseaux sociaux. La vindicte populaire, la crédulité de la foule est la même. Du teen movie le film mute en récit populaire, impitoyable. Son récit rappelle l’histoire de Ste Thérèse de Lisieux au XIXème siècle, une religieuse qui produisait autour d’elle des miracles. Le mauvais œil, les rebouteux tout y est. Telle une apparition de la vierge, Holly change de statut dans le regard des gens de pestiférée à adorée. Elle devient une adoration mystique dans l’esprit des gens et aussi à l’écran dans une reproduction fidèle et troublante des grandes peintures de l’histoire de l’art, notamment dans cette scène ou Holly se mire dans un miroir. Fien troch transcende l’image de l’adolescente en celle d’une Sainte et évoque le sacré dans ce plan où on la voit en portrait comme on verrait la Joconde.
La cinéaste transpose un récit populaire du XIXème siècle à aujourd’hui et c’est brillant, passionnant et mystique. Le narratif est d’une richesse folle entre sorcellerie et récit des miracles, il interroge les croyances, la religiosité et la crédulité de la foule. Une ingénieuse histoire d’un quotidien transformé par l’inexplicable, par un don ou le Divin et exacerbé par la crédulité humaine. Un film féministe en arrière plan avec le mythe de la sorcière et donc de la femme rejetée. Une critique au vitriol des opinions qui se retournent comme sur les réseaux sociaux dans une société qui n’a rien à envier au Moyen-Âge pour sa violence.