« Six jours, ce printemps-là » de Joachim Lafosse, Une parenthèse (dés)enchantée gorgée de soleil

Après Les Intranquilles et Un silence, Joachim Lafosse revient avec une parenthèse intimiste, Six jours, ce printemps-là, un drame familial singulier tout en clair-obscur. Un instant de vie éphémère pour une mère et ses enfants au bord de la méditerranée sur la Côte d’Azur. L’ espace d’un clignement d’oeil le rêve, le bonheur et le droit à l’insouciance sont là pour cette famille le temps d’une parenthèse (dés)enchantée. A lire bientôt: entretien avec Joachim Lafosse.

Malgré les difficultés de la vie quotidienne, Sana mère de deux jumeaux, a décidé d’emmener ses enfants en vacances. Tout ne va pas se passer comme prévu et ce temps représentera la fin de l’insouciance.

L’épatante Eye Haïdara insuffle toute son énergie à Sana, cette mère en responsabilité qui va se trouver piégée malgré elle dans une situation extrêmement inconfortable. Car, judicieuse subtilité scénaristique, Sana n’a pas vraiment choisi d’être là dans la villa de sa belle-famille avec ses enfants Raphaël, Leonis Pinero Müller et Thomas, Teoudor Pinero Müller. Jules Waringo incarne Jules, coach de foot et amant secret de Sana, un homme jeune, amoureux et moyennement responsable qui la placera dans l’embarras.

Le cinéaste choisit une nouvelle fois des partis pris cinématographiques forts. Dans une première partie au rythme effréné la caméra nerveuse suit Sana de près dans ses tâches quotidiennes au travail. Elle quitte sa banlieue tôt et téléphone à ses jumeaux plus tard. Après un long et fatiguant trajet vers le sud le monde s’ouvre sur la lumière, celle de la côté d’Azur, des beaux jours, du graal de la détente après cette vie laborieuse et contrainte.
Mais c’est là que dans la lumière totale du sud, le cinéaste impose le clair-obscur d’une manière très picturale. Les protagonistes doivent selon Sana, vivre enfermés, éclairés à la bougie car « Papy relève toujours les compteurs en partant ». Etre là, en vacances mais comme des fantômes peu désirables et dans l’ombre. On retrouve le goût pour la peinture du cinéaste, avec la lumière en référence à la peinture. « Papy relève toujours les compteurs en partant ». Cette phrase traduit toute l’ambiguïté de la situation et son absurdité. L’intimité familiale passée de Sana avec sa belle-famille n’existe plus. Elle ne leur a pas dit qu’elle allait dans la villa – elle en a pourtant les clés.
L’incongruité entre l’intime et la fin d’une histoire familiale envahit l’écran, la fin des visites dans cette villa alors que les enfants sont aussi les petits-enfants des propriétaires, sa belle famille. Cette situation évoque beaucoup de tristesse en général et d’incompréhension pour les enfants. Si ce moment de vie singulier est bien mis en scène, l’intrigue manque quelque peu d’épaisseur. On aurait aimé un peu plus de développement, d’enjeux. Est-ce un souvenir trop court à raconter au cinéma?


Joachim Lafosse sonde les limites de l’intimité de la famille. L’argent est au centre du récit comme un acteur sous-jacent qui pousse Sana mère poule, à prévoir des vacances puis à retourner dans cette villa pour ses enfants. C’est aussi une histoire de déclassement social, subi par la mère qui fait des ménages et cumule les petits jobs auquel assistent les enfants. Le cinéaste dépeint une sorte de lutte des classes feutrée à la chaleur des rayons de soleil de la Côte d’Azur et de ses quartiers huppés.