Sweet dreams (Fai bei sogni) de Marco Bellocchio, drame sur la construction humaine -En salle le 14 décembre

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1969, Turin. Massimo, 9 ans, vit une relation tendre et complice avec sa mère. Une nuit, elle disparait dans des circonstances mystérieuses. Son père le conduira voir un prêtre qui lui expliquera son départ au paradis. Massimo n’acceptera pas cette perte brutale.  
1990, Massimo est journaliste sportif puis reporter de guerre. Alors qu’il doit vider et vendre l’appartement de son enfance, son passé revient le hanter et les blessures s’ouvrent à nouveau.  
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Drame psychologique d’une intelligence rare, Fai bei sogni est le dernier film du grand cinéaste italien Marco Bellocchio, 77 ans et de nombreuses oeuvres à son actif, (Vincere, La belle endormie, Le diable au corps…). Le film est inspiré du roman de Massimo Gramellini, Fais de beaux rêves mon enfant et retrace la tragédie intime d’un petit garçon devenu homme, Massimo, remarquablement incarné par Valerio Mastandrea (Pasolini, Abel Ferrara). Beau film de facture assez classique mais comportant une construction très enchevêtrée avec des allers-retours : entre 1969 où Massimo a 9 ans, incarné par le colérique aux yeux noirs (à raison !) Nicolo Cabras, les années 70, où Massimo est adolescent, interprété par le convaincant Dario Dal Pero, et la fin des années 90, le présent du film.

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Massimo, comme paralysé par son passé, va devoir lutter pour pouvoir s’accomplir vraiment en tant qu’adulte malgré le poids psychologique des moments forts de cette vie disparue. Les souvenirs qu’il a avec sa mère, interprétée par Barbara Ronchi (Miele de Valéria Golino) sont joyeux, composés de jeux et de danses endiablées. Grâce aux consignes médicales qui seront prodiguées par Elisa, médecin, Bérénice Béjo, la guérison va pouvoir commencer.

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Comme dans d’autres films du cinéaste, on relèvera une construction par flash-forward extrêmement intéressante. Au début du film, Massimo regarde la série Belphégor – datant de 1965, dirigée par Claude Barma avec Juliette Gréco d’après le roman d’Arthur Bernède – lové contre sa mère. Des images de Belphégor interviendront le long du récit en montage parallèle jusqu’à ce que les masques tombent (y compris celui de Belphégor) et que le personnage adulte évoque face au médecin ce monstre fantastique en l’incluant dans l’espace diégétique du film, alors qu’auparavant il n’était présent que dans son esprit d’enfant.
Comme souvent, Marco Bellocchio n’est pas tendre envers la religion. Quand le prêtre explique à Massimo que sa mère a voulu rejoindre Dieu, ce dernier se tourne vers son père et lui demande si cela est vrai d’un air ferme et incrédule. Le jeune Nicolo Cabras est exceptionnel dans ce rôle.

Le film porte en lui le parfum de toute l’histoire du cinéma italien dans cette sorte de classicisme d’apparence. Il est aussi moraliste. Les adultes n’ont pas le courage d’expliquer la réalité au petit Massimo sur ce qui est arrivé à sa maman. Lâcheté humaine ou culturelle, il en portera le fardeau toute sa vie jusqu’à en être psychologiquement très atteint devenu adulte. Il ne faut jamais mentir à un enfant paraît-il…

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