Daily Cannes! Diamant Brut, d’Agathe Riedinger – Compétition Officielle

Diamant Brut c’est un peu la sainte vierge à Bimboland. Le premier long métrage d’Agathe Riedinger est impressionnant. Ce drame social s’inscrit dans l’air du temps, en prenant comme personnage principal une Barbie au corps détaché de son être qui rêve de réussite par la beauté. Agathe Riedinger revisite le pouvoir au féminin. Elle met en scène la contradiction brutale entre une gamine qui souhaite utiliser la beauté comme moyen de survie et une société dévoreuse d’hypersexualisation. Diamant Brut est en lice pour la Palme d’Or.

Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ».

Liane considère l’argent qui coule à flot comme un moyen de survie. Influenceuse, la jeune femme travaille à transformer son corps de bimbo et va tout faire pour réaliser son rêve. Pour elle, la télé-réalité est la clé de la réussite. Qui a la beauté possède le pouvoir. Que peut-on lui offrir à pôle emploi alors qu’elle sait comment gagner des sommes folles ? Ongles-griffes symbole de son caractère, pailletés, cheveux longs mèchés, tenues moulantes et platform-shoes chaussant ses pieds écorchés, Malou Khebizi interprète vaillamment ce personnage de Rosetta du Sud de la France et lui insuffle toute la rage et l’innocence nécessaire. Grande soeur mature malgré elle, elle s’occupe de la jeune Alicia, Ashley Romano, sa petite soeur, copie-Bimbo presque conforme, face à une mère défaillante et impitoyable jouée par Andréa Bescond. Elle ne trouvera de repos qu’auprès du patient Dino, Idir Azouli. Les protagonistes évoluent dans un décor de côte d’Azur aux couleurs passées, désuettes. Une version assez rare des lieux. Un décor de fête foraine déserté par les touristes, comme une sorte de Californie aux palmiers fanés. La tristesse de la fête et de la joie sans éclat que l’on peut retrouver dans un certain cinéma indépendant américain.

Dans un vrai geste de cinéma la mise en scène est très travaillée avec un cadrage serré qui enferme le personnage dans son existence malheureuse de laquelle elle ne peut que s’extraire. L’image est granuleuse. On sent une influence des Dardenne dans la manière de suivre le personnage dans son urgence en plan serré caméra à l’épaule. Le score du film est impressionnant, oscillant entre les percussions de rap ou de musiques techno et une ligne mélodique de violoncelle qui prend régulièrement le lead de la narration dans une très grande poésie.

Agathe Riedinger réalise un film politique et érige son héroïne hyper-sexualisé en madone, en self made woman pure, innocente et ambitieuse qui n’a pas froid aux yeux. Elle pointe les limites de notre société pour une jeune femme-enfant vierge et croyante mais que le corps siliconé fait paraitre être une autre. La confrontation avec notre société patriarcale est violente. Le film critique également le venin diffusé par les réseaux sociaux sur une jeunesse fragile très influençable. Au fond, Liane est juste une gamine qui rêve de sortir de la misère.