Truman, Comédie dramatique hispano-argentine de Cesc Gay est une poignante ode à la vie et à l’amitié. Brillant. En salle le 6 juillet.

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Tomás (Javier Camára), la cinquantaine, espagnol exilé au Canada, rend visite à son ami d’enfance à Madrid, Julián (Ricardo Darín), malade d’un cancer. Les deux amis ne se sont pas revus depuis bien longtemps. L’émotion est grande lors de ces retrouvailles. Tomás, Julián et son chien auront 4 jours ensemble pour se retrouver. Pendant ce séjour, Julián va avouer à son ami qu’il va bientôt mourir. Tomás va assister l’extraverti Julián qui profite assidûment de sa présence pour régler les choses en suspens dans sa vie. Rien ne sera épargné à Tomás dans cette situation d’urgence que vivent les deux amis et qui provoque des situations drôles et rocambolesques. Julián va régler des comptes avec des amis dans un restaurant, chercher des adoptants pour son chien, revoir son fils (Oriol Pla) à Amsterdam pour un diner d’anniversaire inattendu… Plus rien n’a d’importance face à l’indicible, c’est là toute la force de l’amitié.

L’ultra primé Truman, 5 Goyas (Meilleur film, Meilleur scénario original : Cesc Gay et Tomás Aragay ; meilleur réalisateur, meilleur acteur : Ricardo Darin et Meilleur acteur dans un second rôle : Javier Cámara), est l’un des rares films qui réussit à aborder le sujet difficile de la confrontation à la mort avec légèreté et humour. Il met en scène deux personnages qui font face avec courage à cette situation. Il propose à travers l’histoire de Tomás et Julián une belle réflexion menée avec ironie et humour : que fait-on quand on se sait condamné ? comment soutenir un proche qui va mourir? Cesc Gay  en retire des valeurs positives et parvient à montrer la puissance et la force d’une amitié durable malgré la distance et le temps.

Le film doit aussi son succès aux interprétations très justes de Ricardo Darín (Goya du meilleur acteur pour Dans ses yeux de Juan José Campanella) et Javier Cámara (Goya du meilleur acteur pour Vivir es fácil con los ojos cerrados de David Trueba et acteur récurrent de Almodovar : Parle avec elle…). Les deux comédiens jouent des rôles diamétralement opposés : Julián, acteur viril et extraverti se voit comme un héros romantique qui ne peut pas défaillir, tandis que Tomás, plus réservé, est rongé par la culpabilité de n’être pas venu soutenir son ami plus tôt. Les psychologies opposées de ces personnages vont provoquer des situations rocambolesques. L’élément féminin du récit est Paula, la cousine de Julián (Dolores Fonzi), qui provoque la venue de Tomás par les nouvelles qu’elle lui envoie régulièrement sur la santé de celui-ci.

Le cinéaste évoque avec délicatesse un sujet difficile. Le film débute par la neige qui tombe sur une banlieue endormie du Canada. Le voyage de Tomás se poursuit en avion avec de magnifiques plans de nuages ensoleillés qui rappellent la neige (Photographie : Andreu Rebés). La musique aussi participe à ce climat délicat : le son intimiste d’une guitare sèche vient adoucir la réalité de l’histoire du début à la fin du film (Direction musicale de Nico Cota et Toti Soler). Les dialogues pétillants d’humour participent également à alléger le propos du récit. Les retrouvailles entre les deux amis sont teintées d’un humour caustique. Lorsque Julián explique à son ami que les chiens ont une personnalité, Tomás lui répond qu’il le sait, d’ailleurs tout à l’heure lorsqu’il promenait le chien dans le parc, celui-ci l’a questionné sur les ours vivant au Canada.

Transfrontalier et multiculturel, le film évoque des personnages qui voyagent (Julian est argentin, son fils étudie aux Pays-bas, Tomás a émigré au Canada…), la distance et le temps qui passent. Mais bien au delà c’est bien de l’amour et de l’amitié infaillible envers et contre tout dont nous parle Truman, de la vie, de l’humain et de son esprit aiguisé, tels des armes à brandir contre la grande faucheuse qui menace.