Tramontane de Vatche Boulghourjian, émouvante En(quête) d’identité dans la pénombre du Liban actuel – En salle le 15 février

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Rabih, jeune chanteur aveugle vit avec sa mère au Liban. Sa chorale est invitée à se produire en Europe et à cette occasion, Rabih doit obtenir un passeport. Lors des formalités il apprend que sa carte d’identité est fausse et que ses parents ne sont pas ses parents biologiques. Le jeune homme va alors partir en quête de son identité à travers un Liban meurtri par son histoire.

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Présenté en Compétition à la Semaine Internationale de la Critique du Festival de Cannes, Tramontane est le premier film de Vatche Boulghourjian. Ce Drame à la mise en scène extrêmement sensible pénètre dans l’univers aveugle d’un jeune adulte. Le récit est d’autant plus bouleversant que le sujet touche doublement le spectateur. Ce jeune homme atteint de cécité évolue dans l’obscurité et il va perdre plus que ses repères de non-voyant puisque ses racines vont lui être soudainement arrachées.

La quête de Rabih, magistralement interprété par Barakat Jabbour, est d’abord celle de son identité. La recherche de ses origines est rendue plus difficile dans ce pays encore meurtri par la guerre, qui n’a pas fait le deuil de son passé. Comment retrouver les traces administratives du passé alors que comme dira la mère de Rabih, interprétée par Julia Kassar : « L’acte de naissance a été perdu pendant la guerre, comme tant de choses…». Partout où le jeune homme se rendra, les gens lui mentiront effrontément. C’est donc aussi sur les traces de la mémoire du Liban que va s’engager Rabih, comme une métaphore de sa propre histoire.  

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Le spectateur épouse le point de vue du personnage principal aveugle grâce à une mise en scène sensible et signifiante. Le cinéaste s’attache à nous faire partager l’univers nocturne de Rabih. L’attention est portée sur lui par des gros plans, de son oreille par exemple, nous amenant vers ce qu’il écoute, avec un arrière-plan souvent flou, y compris si les personnages en face de lui s’adressent à lui. Dans une séquence, le jeune homme déjeune à table dans le noir. Quand la mère entre, elle allume brusquement, on est éblouis. On se rend compte des deux mondes qui nous sont imposés, celui du voyant et celui pénombre.

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L’univers sonore est essentiel dans le récit. Les moments difficiles et poignants que va vivre Rabih sont exprimés par son chant et par la musique. On l’accompagne souvent dans la pénombre percevant presque son univers d’aveugle. Le son va rendre touchants ces moments d’émotions intenses. La musique (musique originale et supervision musicale de Cynthia Zaven) participe pleinement au récit et les paroles entonnées sont toujours porteuses de sens. Au cours de sa difficile enquête, Rabih ne peut avoir confiance en personne et pour exprimer sa douleur, il chante. On le voit dans la pénombre de sa chambre, isolé avec sa souffrance dans son monde de non-voyant et c’est bouleversant.

On va vivre avec le protagoniste principal ces moments très difficiles pour lui, qui dans le noir total a perdu la trace de ses origines cachées. Parallèlement à sa quête se dessine en filigranes le portrait d’un pays meurtri dont le passé s’immisce dans le présent. La guerre civile (1975-1990) a laissé des traces indélébiles dans le pays qui n’a pas encore tiré les leçons du passé. Les tabous au sein de la famille en sont des empreintes incontestables.

A lire bientôt : Interview avec Vatche Boulghourjian et Cynthia Zaven