
Les Jeunes amants est loin d’être une romance à l’eau de rose. C’est un drame intense et profond de Carine Tardieu sur un projet de Sólveig Anspach. Il entraîne une série de questions existentielles sur le droit à l’amour d’une femme ayant passé un certain âge envers un homme plus jeune. Sólveig Anspach a fait promettre avant son décès à Agnès de Sacy que ce projet inspiré de l’histoire de sa propre mère serait repris par une femme réalisatrice. La passation s’est effectuée vers Carine Tardieu qui a peaufiné cette précieuse histoire sur un scénario écrit à six mains, celles de Sólveig Anspach, Agnès de Sacy et les siennes.
Libre et indépendante, Shauna, 70 ans, s’amuse à rêver d’une histoire d’amour avec Pierre, rencontré une dizaine d’années auparavant. Pierre, 45 ans, ne voit pas en elle une femme d’un certain âge, mais une femme désirable dont il s’éprend, malgré femme et enfant.
Les comédiens déploient une puissance de jeu impressionnante. L’envoûtante Fanny Ardant « joue sur la pointe des pieds » comme son personnage, délicatement et avec une immense retenue, toujours un peu en décalage par rapport au réel. Rare comédienne dans la fleur de l’âge restée naturelle, Fanny Ardant ose un rôle symbolique qui ouvre les consciences. D’abord rêveuse, Shauna sourit de cette histoire impossible avant de prendre peur. Pierre, Melvil Poupaud viril barbu oncologue de 45 ans, va tomber amoureux de cette femme mûre. L’épouse de Pierre, la charismatique Jeanne, Cécile de France, accusera le choc de découvrir sa rivale, « Une vieille dame ! », s’esclaffera-t-elle. Georges, l’ami, Sharif Andoura, restera coincé entre tous dans une position réellement inconfortable. Certains moments du film relèvent de la magie, notamment ce moment pudique mère-fille entre Shauna et Cécilia, Florence Loiret-Caille (actrice fétiche de Sólveig Anspach et éternelle maître nageuse affublée de son bonnet de bain dans L’Effet Aquatique). Il y a de la substance dans ce récit avec des ambiances palpables, notamment dans cette chaleureuse maison irlandaise en bord de mer où le feu crépite dans la cheminée.
Carine Tardieu a l’audace de nous conter une histoire d’amour troublante. Elle met en scène une rencontre impossible et taboue, où les horloges égrènent discrètement le temps. Celle qui choque dans une société où le corps de la femme âgée est invisibilisé et où l’on qualifie de cougar celle qui se risquerait à aimer plus jeune qu’elle, le cas de figure inverse ne se vérifiant pas. La vieillesse est délicatement montrée par de petits détails, les rides sur les mains, les lunettes que Shauna sort de son sac pour lire… Carine Tardieu filme à travers la Caméra d’Elin Kirschfink les corps vieillissants des femmes. Elle attaque les tabous, réhabilite ainsi sur le grand écran la vérité de la femme mûre. La cinéaste espère d’ailleurs que « Dans quelques années une histoire d’amour entre un quadragénaire et une femme plus agée sera devenu un non-sujet… », croisons les doigts.