ATLANTIS, une oeuvre d’anticipation au réalisme troublant – Sortie le 13 avril au profit des producteurs ukrainiens

Datant de 2019, Atlantis est une oeuvre d’anticipation du cinéaste ukrainien Valentyn Vasyanovych (Reflection- Vidblysk) presque surréaliste tant son sujet fictionnel est devenu une réalité de notre monde. L’art témoigne parfois de son époque. Cette fiction témoigne avant l’heure d’une triste réalité qui nous a frappé récemment, celle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier. Atlantis a remporté le Prix Orrizonti à la Mostra de Venise 2019. Le film sortira en salle le 13 avril au profit des producteurs de cinéma ukrainiens.

2025 dans l’Est de l’Ukraine, un an après la guerre qui a opposé l’Ukraine à la Russie. Ancien soldat, le grand et massif Sergiy, habillé de noir et bonnet vissé sur la tête, Andriy Rymaruk, travaille dans une usine sidérurgique. Il rencontrera dans son cheminement Katya, Liudmyla Bilek qui se rend utile en exhumant les corps des soldats décédés. Les personnages tentent une reconstruction, de trouver un sens à leur vie, et de continuer à vivre dans le no man’s land d’après-guerre. L’amour est-il encore possible ?

Mis à part sa pertinence sociétale et historique, Atlantis est aussi exceptionnel par la radicalité de sa mise en scène. Le cinéaste place sa caméra de manière sûre et ferme. Les plans séquences souvent fixes et d’une puissance rare laissent l’action se dérouler. Certains portent une puissance de propos époustouflante. Comme ce plan d’ensemble avec Sergiy, cet homme devenu soudain minuscule sur les toits d’un immeuble avec en arrière plan, face à lui, une usine sidérurgique d’une taille démentielle. La réalité a de nouveau rattrapé le film puisque cette usine sidérurgique, la plus grande de toute l’Europe fut détruite quelques jours après la projection du film.

Tout en réalisant un film très visionnaire voire prémonitoire sur son époque, Valentyn Vasyanovych crée une fiction dans une démarche documentaire proche du réel. L’auteur n’imaginait pas pour incarner son personnage principal travailler avec un acteur sans expérience militaire. De retour de la guerre qui a eu lieu en 2014 à l’Est de l’Ukraine, Andriy Rymaruk travaillait à la Come Back Alive Foundation qui aide l’armée ukrainienne. Comme son personnage, il est souvent retourné sur des anciennes zones de combats. De la même manière, la « Black Tulip Mission » à laquelle Sergiy va s’intéresser existe bel et bien. Il s’agit une mission humanitaire chargée de trouver et d’exhumer les corps des soldats décédés des deux côtés de la guerre. Cette organisation a aidé à réaliser le film, le cinéaste souhaitant veiller à la crédibilité du récit.

Que fait on après que la guerre ait ravagé sa ville, son pays, sa vie? Valentyn Vasyanovych donne ici sa version de la recherche d’une vie nouvelle envers et contre tout. Après avoir vu le film, son propos ne nous quitte pas et les coïncidences avec le présent de notre histoire, malheureusement se multiplient au fil du temps. Valentyn Vasyanovych se dit lui-même étonné car le tournage du film a eu lieu en grande partie à Marioupol, devenue aujourd’hui ville martyre. Actuellement il filme et documente la guerre avec son producteur Vladimir Yatsenko. Il réfléchira à l’utilité de ces rushes à posteriori. On souhaite une fin rapide au conflit sans que l’Ukraine ne devienne ce no man’s land décrit dans le film. En attendant rendez-vous dans les salles de cinéma où sera projeté ce film fascinant, pour toutes les raisons évoquées et bien plus.