Sundown de Michel Franco, Tim Roth vogue en zone transitoire

Après Nuevo orden (Nouvel Ordre) Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise 2021, le mexicain Michel Franco signe un drame bluffant, Sundown. Il plonge le spectateur dans un récit magistral, à la fois inattendu et psychologique où s’affrontent des protagonistes complexes. Grand Prix du BRIFF 2022, Sundown était aussi en Compétition à la dernière Mostra de Venise.

Riche famille d’industriels anglais, les Bennett passent leurs vacances à Acapulco. Soleil et farniente au programme. L’annonce d’un décès vient rompre ce quotidien nonchalant. La famille doit repartir d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil s’aperçoit qu’il a oublié son passeport.

Le contraste s’installe très vite entre la vie paradisiaque de cette famille en vacances dans un hôtel archi luxueux et l’incommunicabilité de ces êtres, en particulier les adultes.
Neil est presque mutique au début du récit. Lassif, démarche désarticulée, bermuda et birkenstock, Tim Roth épouse le mental de son personnage. Boostée par ses origines, Charlotte Gainsbourg est sublimée en industrielle britannique.

Michel Franco maîtrise une mise en scène sublimée par l’image signée Yves Cape et envisage cette famille ensemble dans des plans séquences. L’homme est filmé comme un élément du décor. Recroquevillé au bord d’une piscine débordante à la vue paradisiaque, ou dérivant nonchalamment sur sa bouée gonflable, visiblement en crise. Le cinéaste insère une ambiance presque tactile dans chaque plan. On se délecte d’autant de sens subtilement placé dans cette mise en scène magistrale. On retrouve également une Acapulco vivante et plus vraie que nature, filmée avec des figurants du cru, procédé qui insuffle un soupçon de vérité à l’histoire.

Sur un scénario écrit par le cinéaste, la construction narrative est virtuose. L’histoire emmène le spectateur à un premier niveau de lecture pour lui en ouvrir d’autres par la suite. Cette construction par strate nous donne à voir un récit qui se lit suivant différentes grilles de lecture. Comme ces flashs, détails d’une vision floue qui ponctuent le récit. Ou encore ce discours subtil sur les animaux, distillé de-ci de-là, lié aux protagonistes mais qui prend également son sens dans notre société de manière plus globale.

Le cinéaste fait appel à l’intelligence d’un spectateur actif. Il provoque des questionnements chez le spectateur qui doit faire appel à son mental pour relier les pièces d’un puzzle très complexe, mêlant famille, mort, amour, devoir… Et qui s’interroge après la projection pour ordonner les pièces d’un récit multiple à plusieurs facettes. Une réussite.