Présenté à la Semaine de la Critique du 75ème festival de Cannes, Tout le monde aime Jeanne est le premier long métrage de Céline Devaux. Cette Diplômée de l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris a fait ses armes dans l’animation avec des courts-métrages remarqués. Le Repas Dominical était sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2015 et remporta le César du court-métrage d’animation 2016. Gros Chagrin, son dernier court, a décroché le Prix du Meilleur Court Métrage à la Mostra de Venise 2017. Il était temps d’envisager le long métrage.
Passé un générique aux couleurs funs plein de promesses on découvre Jeanne. La trentaine, jolie célibataire, entrepreneuse aux idées novatrices, elle est la fondatrice du projet Nausicaa de récupération de déchets plastiques océaniques. La jeune femme touchait la réussite du bout des doigts quand tout d’un coup patatras. Tout s’est écroulé. Surendettée, elle doit partir à Lisbonne vendre l’appartement de sa défunte mère.
L’animation investit le récit pour le rendre étonnant et assez drôlatique. La surprenante voix interne du personnage s’exprime visuellement par une petite créature fantômatique, une sorte de « casper » franchement mignonne ou hargneuse à ses heures, comme ce : « Ne pleure pas Jeannette » à l’accent moqueur. Le long métrage est porté par un casting solide. Blanche Gardin et Laurent Lafitte de la Comédie française sont deux figures majeures. Gardin se fond dans le personnage de Jeanne aisément, tandis que Lafitte sort un jeu inattendu de son sac dont lui seul à le secret. Le film ressemble au journal intime du personnage principal en crise, rongé de culpabilité, qui va droit devant lui sans s’arrêter. L’animation permet outre l’humour de plonger dans les pensées et même dans la psychanalyse pour mieux comprendre la situation des personnages. Notamment lors d’un quizz improbable et impitoyable où il s’agit de reconnaitre à quel enfant la mère à fait telle remarque. Le procédé de cette voix pourrait toutefois lasser à un moment donné, mais la nouveauté narrative l’emporte.
Céline Devaux raconte des protagonistes fragiles, aux failles béantes derrière leur apparence. Le tout est d’avancer, de continuer sa vie en considérant et en assumant les obstacles pour mieux les surpasser. On attend donc le prochain long métrage de la cinéaste, qui en plus du regard neuf et frais adapterait on l’imagine, sa démarche à des aventures un peu plus matures.