Tiger stripes de Amanda Nell Eu, le conte d’une jeunesse malaisienne qui crie sa rage

Après un diplôme de la London Film School et deux court-métrages dont It’s Easier to Raise Cattle présenté à la Mostra de Venise en 2017, la malaisienne Amanda Nell Eu, signe un premier long métrage inédit, un film de genre sur une jeunesse féminine malaisienne qui crie son envie de vivre. Le film a remporté le Grand Prix de la 62ème Semaine de la Critique à Cannes.

Zaffan est une jeune fille rebelle et pleine d’énergie qui détonne dans son groupe d’amies. Sa joie de vivre disparait lorsque la puberté s’installe. La jeune fille voit son corps se transformer générant de plus en plus de rejet autour d’elle, dans une société et notamment à l’école ou les préjugés et les traditions religieuses vont bon train.

Zafreen Zairizal
interprète divinement le rôle difficile de cette héroïne rock et rebelle, Zaffan, éclairant ce personnage d’une vraie présence cinématographique. La persuasive Farah est jouée par Deena Ezral et la réservée Mariam par Piqa. Ce film de genre met en scène la confrontation explosive entre l’envie de vivre adolescente et une société traditionnelle religieuse qui constitue un véritable carcan à la liberté irrépressible d’une jeune héroîne qui aspire à la liberté. Amanda Nell Eu pose un regard critique sur la société dans laquelle évoluent les jeunes adolescentes. D’une profonde intelligence, Tiger Stripes se sert des codes de la mythologie asiatique ainsi que des croyances populaires et religieuses pour les renverser en un conte plus que pertinent.

L’énergie du film accroche le spectateur pour ne plus le lâcher, du générique en lettres roses à la musique du collectif de DJ Gabber Modus Operandi et vient nourrir le cri adolescent percutant qui constitue la figure du film. La jeune fille brave les interdits locaux dans les toilettes en riant, en toute innocence mais la société ne le voit pas d’un tel oeil, y compris au sein d’un groupe de jeunes filles où la sororité n’est pas de mise. Les discussions gênées fleurissent au sujet d’une féminité rejetée et jalousée, « Seules les trainées portent ce modèle-là » décidera Farah à propos d’un soutien-gorge, ou « Tu t’exhibes, tu m’apportes la honte » lui criera la mère de Zattan. L’impureté est l’un des thèmes essentiels du film. L’hygiène est partout avec des règles féminines qui seraient sales et liées au démon. Malheur à celle qui franchit cette étape, peu importe le processus naturel du corps féminin.
La cinéaste traduit aussi la modernité de la  parole adolescente dans l’utilisation de moments filmés par des téléphones portables, omniprésents dans le récit qui témoignent des regards sans pitié de la population, comme du venin craché par les RS.

https://youtu.be/guyvzQQWvgk