Daily Cannes! Caught By the Tides de Jia Zhang-Ke, la fresque chinoise d’un amour. Chef d’oeuvre– Compétition Officielle

Le cinéaste chinois Jia Zhang-Ke (Les Eternels) signe avec Caught By the Tides un émouvant drame sur une histoire d’amour, prétexte à un retour d’une vingtaine d’années sur la Chine et son évolution. Dans un travail monumental de montage et de scénarisation du récit le cinéaste dresse un portrait désenchanté de 20 ans de développement économique de la Chine en rapport avec son cinéma. Le cinéaste s’intéresse aux mutations économiques du pays à travers l’humain. Film totalement bouleversant et inédit, Caught By the Tides est en lice pour la Palme d’or, en Compétition Officielle au 77ème Festival de Cannes.

Chine début des années 2000. Qiaoqiao (Zhao Tao) et Bin (Zhubin) vivent une histoire d’amour passionnée mais fragile. Quand Bin disparait pour tenter sa chance dans une autre province, Qiaoqiao décide de partir à sa recherche. En suivant le destin amoureux de son héroïne de toujours, Jia Zhang-ke nous livre une épopée filmique inédite qui traverse tous ses films et 21 ans d’histoire d’un pays en pleine mutation. Suivre son héroine fétiche, l’actrice Zhao Tao (qui restera muette ici), sera l’occasion pour le cinéaste de dresser un portrait de la femme chinoise dans la Chine profonde. La femme qui chante des chansons d’amour, se fait menacer par des hommes en moto dans la rue mais forte, parvient à se défendre avec un taser.

Le travail de montage pour parvenir à dresser le portrait de la Chine en rapport avec son cinéma est titanesque. Le cinéastemonte des extraits de ses films pour décrire l’évolution de la Chine profonde. L’enrichissement à outrance des uns (les entrepreneurs mafieux) et l’appauvrissement des autres, les ouvriers, les mineurs du XXIème siècle qui subissent l’Histoire. Jia Zhang-Ke montre surtout les migrants dont les villes ont été détruites. Il livre le trauma des populations déplacées par les travaux pharaoniques, plus d’un million de déracinés pour établir le barrage des trois gorges. Il filme cette femme âgée qui manifeste une affiche autour du coup devant une fresque de sa ville, peut-être cette célèbre habitante qui a refusé pendant longtemps de déménager malgré les dédommagements de l’état. Les personnages de Jia Zhang-Ke sont des êtres en errance, des humains désincarnés et sans repères. En plus du trauma ils n’ont plus de passé car il a été effacé, les villes où ils vivaient ont été englouties pour le progrès. Le cinéaste nous montre toujours une société de consommation, des êtres en errance sans foyers, sans confort intellectuel ni physique.

D’un avenir plein de promesse de ce couple naissant en même temps que les promesses économiques du pays en renouvellement, Jia Zhang-Ke soulève l’échec, la déshumanisation extrême au profit des robots joyeux. L’innovation et la technologie favorisent les robots avec l’avantage « qu’ils n’éprouvent aucune tristesse ». Une nostagie profonde se dégage de ce film qui est un véritable chef d’oeuvre.

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