Eternité de Tran Anh Hung est une fresque cinématographique sur la vie digne des grandes peintures de l’histoire de l’art -En salle le 14 septembre

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Un jardin, fin XIXème. Une séance de photo de famille : un couple et ses trois petites filles immortalisent le moment tandis qu’une voix-off féminine nous explique le destin des trois jeunes soeurs et surtout celui de Valentine (Audrey Tautou). Puis, Valentine a 20 ans et se marie avec Jules (Arieh Worthalter). Le film relate alors une saga familiale sur un siècle, en se basant sur l’histoire de Valentine. Les couples s’aiment, font des enfants et la vie continue, ainsi de suite entre moments de joie et de douleur…

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Eternité de Tran Anh Hung (Lion d’or à la Mostra de Venise 1995 pour Cyclo, Caméra d’or au festival de Cannes 1993 pour L‘odeur de la papaye verte) est une oeuvre philosophique sur l’existence. Basée sur le roman « L’Elégance des veuves » de Alice Ferney, l’histoire nous emmène de génération en génération dans une saga familiale qui débute fin XIXème, où les femmes enfantent et supportent la perte de leurs proches. Les générations se succèdent ainsi inlassablement dans le cycle de la vie. C’est une pléiade de bons acteurs qui vont donner corps à cette épopée familiale à laquelle on a envie de croire : Audrey Tautou, Mélanie Laurent, Jérémie Rénier, Bérénice Béjo, Pierre Deladonchamps…

Ce film très contemplatif résonne avec Tree of life de Terence Malick (Palme d’or 2011 au Festival de Cannes). Le spectateur n’est pas impliqué dans le récit, il contemple le temps qui passe et les événements qui se succèdent. Il apprend les destinées des personnages grâce à une voix-off féminine omnisciente, qui connaît un futur que les personnages ne connaissent pas eux-mêmes, notamment leur mort. Le spectateur va ainsi assister au cycle de la vie qui défile et recommence indéfiniment.

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La mise en scène magnifie les relations entre les protagonistes en les filmant de près. Les paroles sont fugaces et rares, des sensations comme le toucher : « la peau parfaite des enfants » évoquera Mathilde (Mélanie Laurent), ou les regards entre les protagonistes sont des éléments qui vont enrichir le récit raconté en off. Le cinéaste use d’une image esthétisante et de ralentis pour magnifier certains moments importants de la vie : Valentine et ses deux soeurs adolescentes qui courent et rient avant d’arriver à l’âge adulte. Même scène pour les filles de Valentine plus tard, qui courent « au ralenti » après être allées ramasser les oeufs dans le poulailler.

Si les dialogues sont rares au profit d’un récit romanesque livré par une voix-off, la musique (piano) omniprésente favorise la succession des différentes époques de la vie de cette famille. Soulignons également des décors majestueux réalisés par Véronique Sacrez. Le cinéaste replace souvent le propos philosophique du film aux origines de la vie, symboliquement dans des jardins romantiques à la nature envahissante.

Ce portrait presque instantané du renouvellement générationnel d’une famille sur un siècle nous rappelle combien il est infini. Tran Anh Hung montre aussi un cycle de la vie qui s’il n’est pas rompu, s’adapte au réel et en cela, il est moderne. Les personnages affrontent et s’adaptent à la réalité pour y survivre dans un élan positif. Gabrielle et Henri vont ainsi transcender leurs pertes. Il dédie ce film à ses enfants. C’est une belle oeuvre hors du temps et universelle. Pour l’éternité.