Pour son quatrième long métrage, le cinéaste Andrew Haigh (45 ans), adapte au grand écran le roman éponyme de l’écrivain américain Willy Vlautin qui a validé le scénario. Présenté à la 74e Mostra de Venise, La Route Sauvage a offert le Prix Marcello Mastroianni du Meilleur Espoir à Charlie Plummer qui y est époustouflant.
Charley, 15 ans, vit avec un père défaillant qui ne remplit le frigo que de bières. Fraîchement arrivé en Oregon, il cherche un petit boulot. Del, Steve Buscemi, entraineur de chevaux de courses, va l’engager. Le jeune homme va alors se prendre de passion pour Lean On Pete, un pur-sang en fin de carrière. Lorsqu’il se retrouve totalement livré à lui-même, Charley décide de rejoindre sa tante au Wyoming dans l’espoir de trouver un foyer. Il s’enfuit avec Lean On Pete, pour le sauver d’une destinée funeste.
Le blond filiforme Charlie Plummer, taiseux et courageux est la révélation du film. On a pu découvrir le jeune comédien dans la série Boardwalk Empire ou Tout l’argent du monde, de Ridley Scott. Charley incarne l’ado bienveillant qui se prend de passion pour un cheval, seul être qui l’écoute vraiment et avec qui il va nouer une relation. On le sent guidé par la force du désespoir. Charlie Plummer exprime subtilement toute la résilience du personnage et nous étonnera jusqu’au bout. Avec une mère absente, il entretiendra une relation privilégiée avec les personnages féminins, comme avec la jockey Bonnie, Chloë Sevigny.
Le cinéaste britannique pose un point de vue critique sur une Amérique de seconde zone bien loin du rêve américain et dépeint des protagonistes qui chacun tentent de maintenir la tête hors de l’eau, d’échapper à la misère. Charley sera ainsi accueilli par deux vétérans traumatisés par ce qu’ils ont vécu. Il rencontrera aussi des « homeless » à qui l’emploi fait cruellement défaut. C’est auprès de mexicains qu’on lui conseillera de trouver du travail. Le film critique également le mauvais traitement des chevaux de courses que l’on épuise lors des compétitions et que l’on revend « au Mexique « , à l’abattoir, dès qu’ils se blessent.
Le temps narratif est essentiel dans le récit. On voyage avec Charley en temps réel lors de longs plans séquences. Il traverse les grands espaces américains et la notion de distance reflète bien celle des Etats-Unis : des plaines, des déserts immenses sous-peuplés. Le cinéaste a effectué lui-même le road trip du jeune garçon pour ressentir l’immensité de cette nature plus grande que l’homme et cela nourrit le récit.
On est très touchés en suivant la destinée déchirante de cet ado solitaire en quête de stabilité qu’est Charley, et l’on sort difficilement indemne de ce récit dépourvu de sentimentalisme.