Le japonais Hirokazu Kore-Eda réalise un drame sensible et émouvant sur la famille dans un Japon à deux vitesses. Habitué du Festival de Cannes, le cinéaste avait remporté en 2013 le Prix du Jury pour Tel Père, tel fils. Présenté en Compétition Officielle, Une Affaire de Famille apparait déjà comme l’un des plus beaux films de la sélection. L’auteur y livre une vision lucide et extrêmement moderne sur la famille, au-delà des traditions.
Osamu, Lily Franky, (Tel père, tel fils) et son fils, Shota, Kairi Jyo, entreprennent une savante chorégraphie de vol à l’étalage dans un supermarché. Rien de superflu, juste le nécessaire pour assurer le quotidien. Sur le chemin du retour, ils rencontrent une petite fille qui semble livrée à elle-même. Malgré ses réticences et s’apercevant que la petite est sans doute maltraitée, la femme d’Osamu, Shibata, Ando Sakura, va accepter de s’occuper d’elle. Juri, Miyu Sasaki, va alors s’intégrer dans cette famille pauvre, ou le bonheur semble régner malgré la misère.
Les rapports des protagonistes sont d’abord exclusivement basés sur la survie et sur l’argent, tant et si bien, qu’au départ on les croirait désincarnés. Le logement exigü où nous conduisent les personnages ressemble à un capharnaüm, partagé à 5, plus la grand-mère, Kiki Kirin, dont c’est l’habitation. De fil en aiguille, dans cette habitation précaire de la banlieue de Tokyo toujours filmée en plans proches, Kore-Eda dresse une fresque sur la famille et ses valeurs. C’est aussi une fable morale sur la transmission, à travers la relation de Shota et de son père. L’arrivée de la petite Juri va bouleverser l’équilibre de cette famille ou chacun occupait une place bien définie. Shota va ainsi évoluer, devenir le « grand-frère » et réfléchir à ses actes. Voler dans un supermarché lui convenait jusque-là car, comme le lui avait enseigné Osamu, les marchandises « n’y appartiennent à personne ».
Dans cette famille, si chacun se débrouille avec des moyens plus ou moins recommandables, tout le monde s’accepte et se fait confiance. La grand-mère, rit avec sa petite-fille, Aki, Mayu Matsuoka, s’exclamant qu’elle a beaucoup de chance de gagner sa vie en montrant ses seins. La jeune femme travaille déguisée en écolière dans un établissement du sexe.
Kore-Eda réunit un casting divin. Les comédiens investissent parfaitement leurs rôles et forment une famille recomposée au lourd et mystérieux passif. Dans cette société où l’union fait la force, malgré le mode de vie douteux de cette famille avec ses arnaques, notamment celle aux droits sociaux qui leur permet de survivre, c’est l’amour qui irradie la vie des personnages.