Dans Sir, la réalisatrice indienne Rohena Gera signe une comédie dramatique lumineuse, subtile et pleine d’espoir qui prend place dans la société indienne actuelle. Le film était présenté à la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes.
Ratna est servante chez « Sir », Ashwin, fils d’une riche famille de Mumbaï. Veuve à 19 ans, la jeune femme a dû quitter son village et un statut de « morte » au profit d’une vie de « vivante » à la ville, loin des traditions paysannes. Mais le système de castes est toujours bien présent dans la société indienne et Ratna est devenue domestique, sans droits, dans une famille riche de MumbaÏ. Quand le séduisant Ashwin, Vivek Gomber, débarque dans son appartement, son mariage est tombé à l’eau. Malgré une vie en apparence parfaite, Ashwin se trouble et perd de vue ses rêves. Se refusant à sa précaire condition, l’ambitieuse Ratna, Tillotama Shome, veut devenir styliste.
A travers ces personnages deux mondes vont se rencontrer, parfaitement préfigurés dans la géographie de l’appartement par la cinéaste où chacun occupe bien la place qui lui est réservée. Deux vies en parallèle s’y déroulent au quotidien rendues notamment par le ballet des personnages dans l’espace et les mouvements de caméra. Lors du déjeûner, Ratna mange par terre dans la cuisine et quand Monsieur arrive, gracieuse dans ses saris multicolores, elle s’empresse de lui apporter son déjeuner sur un plateau. Tillotama Shome est l’atout solaire de ce film qui pose l’intimité des protagonistes avec beaucoup de délicatesse. Les destins de ces deux êtres finiront par se questionner et s’approcher frôlant le mur invisible sociétal qui les sépare. Si la réalisation est assez classique, les ambiances et l’émotion qui se dégagent de ce film sont réellement palpables. La musique rythme et énergise positivement l’évolution de la jeune femme.
En plus de la romance « possible » entre les protagonistes, Rohena Gera dépeint dans l’intimité d’un logement avec beaucoup de finesse le fonctionnement d’une société indienne passéiste où les castes et les traditions perdurent. Elle dénonce un esclavage moderne, concernant en majorité des femmes, qui va à l’encontre des droits humains.