Green Book de Peter Farrelly, un road movie audacieux dans le sud des USA

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On grince toujours un peu des dents avant de découvrir un film de Peter Farrelly. De Mary à tout prix co-réalisé avec son frère Bobby, à Dumb and Dumber il y a parfois de quoi paniquer question bon goût. Green Book est une belle surprise. Une comédie drôle sur un fond assez sombre et franchement politique avec deux personnages principaux attachants a de quoi plaire. Aux Golden Globes
Mahershala Ali a remporté le prix du Meilleur acteur dans un second rôle, et Nick Vallelonga, Brian Currie et le cinéaste celui du Meilleur scénario.

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1962, New-York, la ségrégation raciale règne aux USA. L’italo-américain Tony Lip, Viggo Mortensen, champion de concours de hot-dogs, est videur dans le Bronx. Il va être engagé par le distingué Dr Don Shirley, Mahershala Ali (Oscar 2017 du meilleur acteur dans un second rôle pour Moonlight), afin de l’accompagner comme garde du corps lors de sa tournée dans le sud profond des Etats-Unis. Pianiste de renommée internationale, le Dr Shirley a la peau noire. Ce duo improbable devra s’appuyer sur le Green Book, guide de voyage de l’époque pour les noirs, afin de préserver le Docteur Shirley de tout désagrément.

Green Book

Le scénario recèle de judicieux parti-pris de départ, comme celui d’envoyer ce duo improbable dans les régions les plus racistes des Etats-Unis. La réalité dépasse encore une fois la fiction puisque le scénariste Nick Vallelonga raconte ici l’histoire de son propre père, Tony Lip qui avait accompagné le pianiste noir Donald Shirley faire une courageuse tournée dans le sud des Etats-Unis. On rit de certaines situations cocasses, mais le fond du propos est toujours effrayant, comme apprendre qu’il existait un guide de voyage des établissements destinés aux personnes de couleur.

Green Book

Le duo que l’on suivra pendant ce road movie est plutôt inattendu et à priori incompatible. Viggo Mortensen se métamorphose pour le rôle et envoie valser son image de séducteur du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Musclor en smoking des boites de nuits du Bronx, Tony endosse chez lui marcel et caleçon, petite médaille au dessus d’un ventre bien rebondi. Chez cet immigré italien, l’Amérique puritaine catholique et bien pensante domine. Lors du diner avec sa femme Dolorès, Linda Cardellini et leurs deux enfants, ils remercient Dieu pour le repas sans se soucier de s’être montrés racistes quelques instants auparavant. Le très raffiné Dr Shirley, Mahershala Ali, lui, aime s’asseoir sur un trône. A l’opposé de l’américain moyen il ne mange pas de poulet frit avec les doigts. Mais Tony s’arrêtera au premier Kentucky Fried Chicken si tôt arrivé dans l’état du Kentucky, parce que le poulet y est forcément plus frais qu’ailleurs. Les deux protagonistes vont s’apprivoiser l’un l’autre, chacun avec sa personnalité. Docteur Shirley apportera sa culture et Tony son expérience de vie. Les dialogues claquent, même si par moments on sent un peu la construction du récit ce qui est logique puisque la comédie classique américaine répond à des schémas bien précis.

GREEN BOOK

Green Book est un film profondément humain avec des valeurs positives qui envoie un message de tolérance. Même si cela ne sera pas gagné d’avance, les deux personnages évolueront ensemble malgré leurs grandes différences pour se rejoindre par leur humanité. Un beau film nécessaire à replacer dans le contexte politique de l’Amérique d’aujourd’hui où le racisme regagne du terrain.