Ash is purest white. Les cendres volcaniques montent parfois à une si haute température qu’elles en deviennent blanc pur, le volcan les brûlant si fort qu’il les purifie, expliquera l’un des protagonistes face au volcan. Comme un présage incitant les héros de ce récit à incendier leurs ailes. Le cinéaste chinois Jia Zhang-ke (entretien), Lion d’or de la 63ème Mostra de Venise pour Still Life, Prix du scénario 2013 à Cannes avec A Touch of Sin, signe un brillant thriller aux accents de romance dans les milieux mafieux d’une petite ville chinoise minière en plein délitement.
2001, la jeune et innocente brunette Qiao, et Bin son amoureux, petit chef de la pègre locale de Datong, filent le parfait amour. Lorsque Bin est agressé par une bande rivale, Qiao le défend avec une arme et tire plusieurs coups de feu. Elle paiera son geste de 5 ans d’emprisonnement. Revenue à l’air libre, elle cherchera à renouer avec Bin, devenu étrangement inaccessible. Perdue dans une Chine en complète transformation où des villes sont abandonnées aux profit de nouvelles qui se créent, sans emploi ni ressources, Qiao par son intelligence et sa débrouillardise renaitra de ses cendres.
Les destins des personnages très bien définis vont se croiser au cours du temps. La relation du couple est déjà extrêmement bien sentie et équilibrée dans l’écriture. Ce postulat n’était pas gagné car les protagonistes évoluent dans un milieu mafieux où les femmes manquent cruellement. La renaissance de cette femme qui développe son ingéniosité pour sa survie est un don des dieux. Actrice fétiche du cinéaste, Zhao Tao (Au-delà des montagnes, Still Life) illumine cette histoire et sa transformation est exceptionnelle. Liao Fan (Black Coal) interprète Bin, moins téméraire que sa compagne dans sa trajectoire de vie.
Le film se distingue aussi par des choix de réalisation très forts. Un cadrage 4/3 pour les événements de 2001 nous enferme un peu plus dans cette ville où la mine de charbon ferme. Le père de Qiao, saôul, en appelle à la grève par des hauts parleurs. Le contexte de la vie des personnages compte, souligné par le cinéaste qui use d’une caméra mouvante, de plans séquences choisissant de montrer exclusivement ce qui l’intéresse quitte à éviter un hors champ devenu inutile. Jia Zhang-ke place son thriller dans une Chine qui se rénove en oubliant l’humain. Les nombreux voyages en train de Qiao montrent cette errance du personnage perdu dans une Chine où les repères n’existent plus. Qiao semble en apesanteur dans un pays où les villes se délitent et où les gens sont contraints à la migration pour survivre et travailler. Au cours de son voyage Qiao passera ainsi par le barrage des 3 gorges tant décrié parce que, comme l’explique le guide du bateau aux touristes, la ville sera « bientôt noyée sous l’eau ».
Jia Zhang-ke a le talent d’ancrer sa fiction dans la Chine d’aujourd’hui, en équilibrant chaque thème et en laissant la priorité à son histoire. Ses deux héros Qiao et Bin sont deux vrais personnages charismatiques de roman et l’on sort de cette projection avec la sensation d’avoir vu un grand film, qui par ses habiles choix de mise en scène laisse de la place au temps du récit. Une belle œuvre.
Entretien avec le cinéaste Jia Zhang-ke