
Mohammad Rasoulof (Un Homme intègre) signe avec There is no evil (Le diable n’existe pas), un drame singulier intense et ambitieux en suivant différentes histoires de personnages dans l’Iran actuel. Quatre récits dont le fil rouge est la mise à mort des condamnés du point de vue des bourreaux et les conséquences sur les familles des victimes. Faut-il accepter, terrifié, de tuer sous une dictature? Certains soldats contraints à cette terrible tâche s’y attelleront en fermant la porte derrière eux pour oublier, ou obtenir une permission de trois jours tandis que d’autres résisteront à cette impossible demande. Faut-il obéir à ces lois iraniennes ? Qui en décide ? Et si la loi était mal faite ? demandera l’un des personnages. Tourné en quatre court-métrages, la puissance du récit et sa fluidité n’en sont pas remises en cause et ont valu l’Ours d’Or à ce film hors normes. Condamné à un an de prison pour avoir «disséminé de la propagande», Mohammad Rasoulof n’a malheureusement pas pu venir présenter son film au 70ème festival de Berlin
Heshmat, Ehsan Mirhosseini, se satisfait d’une vie quotidienne tranquille avec sa femme et sa fille. Pouya, Kaveh Ahangar, jeune soldat, se prépare en cellule à tuer un condamné à mort. Car pour le soldat, il est d’usage en Iran de retirer la chaise sous les pieds du condamné. Quid de la conscience du « bourreau » qui n’a pas demandé à accomplir cette tâche ? Javad, Mohammad Valizadegan, revient trois jours en permission dans la montagne voir sa fiancée. C’est une famille préoccupée qu’il trouvera. La jeune Darya, Baran Rasoulof, arrive de l’étranger pour passer un séjour chez son oncle, Mohammad Seddighimehr. Elle ne s’attend pas à ce qui lui sera révélé durant ce séjour. Au sein de ces thèmes graves, Mohammad Rasoulof distille des bouffées d’airs avec des parties chantées et dansées, en une sorte de comédie musicale qui redonne un espoir essentiel. La place des femmes est aussi questionnée. Certaines voient le côté pratique de ce « travail ». Faire des gardes peut augmenter le salaire, dans des considérations qui semblent éloignées de l’importance du geste. Ce n’est pas si grave, semble-t-elles penser…
Les cinéastes iraniens ont de grandes difficultés avec le pouvoir et l’on ne peut que saluer la finesse et la puissance du récit de cette oeuvre de fiction primordiale. Inspiré du monde d’aujourd’hui le film dénonce les conséquences de lois anti-humaines iraniennes qui terrifient et étouffent le peuple. Cette fresque revient aux fondamentaux de l’être humain aujourd’hui en Iran et met ses protagonistes face à des dilemmes impossibles à réaliser et à résoudre. Dans le film de Rasoulof quels que soit les choix des protagonistes – si tant est que l’on puisse évoquer le fait de tuer ou non comme « un choix » dans une dictature – le héros fait souvent place à l’homme brisé. Même celui qui assume sa condition est hypnotisé par les jeux de lumières dans la rue qui lui rappellent l’affreuse mise en scène de son geste. Et les conséquences retentissent sur les familles en cascades.