
Prix du Jury Un Certain Regard à Cannes, Great Freedom est un long métrage interpellant de Sebastian Meise. Ce drame raconte la situation des homosexuels au sein de la grande Histoire par l’émotion, les sentiments et l’impossibilité pour eux de vivre une histoire d’amour. Lors de la Seconde Guerre Mondiale les nazis ont déporté les homosexuels dans des camps. A partir de 1945, ces hommes déjà éprouvés ont dû terminer leur peine en prison sous la garde des soldats américains et allemands. En Allemagne tout acte sexuel entre hommes était puni de prison jusque 1994. Le film figurait sur la shortlist des Oscars pour l’Autriche.
1968. Dans des toilettes publiques des hommes se pressent les uns après les autres, discrètement, se frôlent. Des images 4/3 filmées par une vielle caméra accompagnée du son crépitant d’une pellicule 16 millimètres nous amènent à penser qu’ils ne sont pas les seuls à assister aux faits qui se déroulent dans ces lieux. Et effectivement, Hans Hoffmann entrera en prison. Son crime ? L’homosexualité. Ce n’est ni le début ni la fin de ses ennuis judiciaires, on le retrouvera en 1945 puis en 1957.
En prison on les appelle « Les 175 », du nom de l’article de loi 175 qui punit tout acte homosexuel. L’aspect presque « pittoresque » du film, c’est que dans cette prison se croisent régulièrement des homosexuels qui se sont déjà rencontrés clandestinement à l’extérieur, qui en deviennent par la force des choses des « habitués ». Hans Hoffmann, Franz Rogowski (Happy End, Ondine), livre une performance exceptionnelle, du jeune homme hirsute et décharné à l’homme qui survit aux années envers et contre tout. Face à lui, le massif Viktor est presque allergique à toute présence efféminée. Georg Friedrich (Ours d’Argent 2017 du meilleur acteur à la Berlinale pour Bright NIghts) magnifie ce rôle de gros dur au coeur tendre et emmène son personnage loin, le métamorphosant suite aux effets de la drogue. On assiste à une vraie chorégraphie des corps des protagonistes, un changement d’état suivant la santé et les années. Les acteurs sont mis à nus. Hans Hoffmann sera même filmé, allongé sur le sol du cachot, nu, on ne saura plus très bien à ce moment-là où se situe l’humain en voyant cet être recroquevillé comme un animal.
La construction intelligente du récit s’effectue par flash-backs, suivant des procédés narratifs efficaces et surprenants, au montage, comme cette sortie du cachot, où le prisonnier se retrouve dans le noir complet comme nous spectateurs, à qui le cinéaste fait ressentir la folie de se voir enfermé dans l’obscurité totale, nu avec un seau pour toute commodité.
Au delà de l’importance du témoignage historique, Great Freedom est à voir pour la pureté de l’amour qu’il véhicule. Le film montre un enfer de monde, mais à travers les personnages les sentiments sont toujours d’une pureté clinquante. C’est toute la force du récit de Sebastian Meise. Il sauve l’amour de la noirceur pour le faire triompher.