
L’Innocent est une bonne surprise. Après des films comme La Croisade ou L’homme fidèle, on n’attendait pas vraiment le cérébral Louis Garrel dans le registre de la comédie. Il signe un long métrage drôle, réjouissant, audacieux, ponctué de savoureuses touches d’humour.
Sylvie, la soixantaine, se marie soudainement avec son amoureux Michel, en prison. L’homme en a pris pour cinq ans. Abel le fils de la « jeune mariée », panique. Extrêmement méfiant envers son nouveau beau-père, il ne compte pas lui faciliter la vie après son retour à l’air libre. Clémence, sa meilleure amie, l’épaule dans ce qui semble être pour lui une véritable épreuve.
Le scénario est bien écrit, rythmé et présente des protagonistes aux failles psychologiques béantes. Sylvie, Anouk Grinberg, mère-enfant, créoles et chignon flou, vit dans un monde qu’elle enchante elle-même à coup de théâtre, de musiques kitschs et de fleurs. Son fils Abel, jeune veuf, Louis Garrel, est outrancièrement prudent face à cette mère qui envisage la prison « comme un club de rencontres ». Il est persuadé de foncer droit sur les ennuis. Moustachu et blouson de cuir, Michel, Roschdy Zem, revit et envisage de nouveaux projets avec son épouse. Clémence, Noémie Merlant radieuse, amie et collègue d’Abel, contrairement à son accolyte est loin d’avoir froid aux yeux. On retiendra une scène d’anthologie hilarante entre Abel et Clémence dans un bar d’autoroute. Ils apprennent à jouer un rôle à la recherche d’une vérité de jeu et c’est mémorable. Une idée géniale magistralement mise en exergue par les deux acteurs.
Cette comédie qui tournera au thriller façon pieds nickelés fleure bon un petit côté désuet, tel un noeud papillon trop grand sur une chemise. L’image très granuleuse présente des tons forts gris, à l’ancienne, sauf dans le monde enchanté de Sylvie, comme lors de ce karaoké scintillant ou dans sa boutique, « les fleurs sauvages ». Les musiques diégétiques sont hyper kitschs. Pour le Plaisir chanté à grandes phrases par Gérard Lenorman, Nuit magique de Catherine Lara… La musique de manière générale est utilisée très judicieusement en rapport aux images et accompagne le récit de manière très plaisante.
On relèvera le même goût un tantinet désuet dans la mise en scène avec des split-screens qui nous feront découvrir plusieurs actions simultanées. Louis Garrel ne rechigne pas sur les effets à l’ancienne, allant jusqu’à imposer un zoom au noir. On n’attendait pas Louis Garrel dans le registre de la comédie. Pari réussi !