
Premier long métrage de Charlotte Le Bon, Falcon Lake se révèle une comédie dramatique intense, profonde et sensible. La comédienne et désormais réalisatrice déploie une maîtrise de la mise en scène admirable dans cette adaptation du roman graphique Une Soeur de Fabien Vivès, qui lui a valu d’être sélectionnée dans la prestigieuse Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes. Un choix éclairé. A lire aussi: Entretien avec Charlotte Le Bon.
Bastien et Chloé passent leurs vacances d’été avec leur famille dans un chalet au bord d’un lac aux vieilles légendes de fantômes. Malgré l’écart d’âge entre les deux adolescents, un lien singulier se crée entre eux. Les vacances vont devenir pour le jeune Bastien un moment charnière et primordial pendant lequel il vivra ses premiers émois d’adolescent.
Les deux jeunes acteurs livrent tous deux une belle performance à fleur de peau. Bastien 13 ans, Joseph Engel, « bientôt 14 ! » s’empresse-t’il de préciser. Il parait petit et fluet pour son âge, face à ces étranges nouveaux copains canadiens âgés entre 16 et 19 ans. Sara Montpetit interprète elle aussi avec brio Chloé16 ans, qui traine un certain mal-être et tente de maintenir un équilibre entre apparences et vérité. La relation entre les deux ados s’anime à coups de fights, de rigolades adolescentes et de jeux en pleine nature. La cinéaste décrit avec beaucoup de pudeur la fragilité de ces personnages qui derrière la façade tentent d’être des grands. Animés par des copies parfaites de tubes des années 80-90 fabuleusement composés par Shida Shahabi qui correspondent en tous points à l’enivrement cette jeunesse sans limite à qui tous les espoirs sont permis.
Falcon Lake présente constamment une ambivalence dans le récit. La cinéaste met en scène un univers enveloppant dans une nature immense, qui accompagne les personnages tout en les menaçant, d’où un certain trouble… L’ambiance oscille entre l’inquiétude toujours présente induite par ce lieu naturel indomptable que représente le lac et sa légende. L’aspect grisant de rouler à vélo la nuit, en forêt, dans le noir absolu. La profondeur de l’eau, ce qu’il pourrait y avoir au fond, l’inexplicable. Les peurs primaires humaines jouent face à cette nature fascinante et au mystère de l’existence. Tout cela Charlotte Le Bon le magnifie dans son récit.
Un vrai souci du détail est déployé dans la mise en scène et l’image signée Kristof Brandl, avec le grain du 16 millimètres est superbe. Le choix se pose souvent sur des plans séquences fixes, qui laissent les éléments s’insérer dans l’histoire, petit à petit, laissant s’exprimer cette indomptable et mystérieuse nature. Un premier long métrage bluffant.