Daily Cannes ! The zone Of Interest de Jonathan Glazer, Compétition Officielle

Jonathan Glazer (Under the Skin) crée le premier choc du 76ème festival de Cannes avec The Zone of Interest, un chef d’oeuvre. En adaptant le roman de Martin Amis (2014) le cinéaste propose un point de vue inédit sur la Shoah, en une fiction, vue par l’intimité d’une famille nazie et c’est brillant. Il ne s’agit pas de n’importe laquelle, mais de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, sa femme et leurs enfants. Leur vision du processus final est pragmatique. Des plans pour améliorer la crémation les fours. La récupération des affaires des juifs par les coquettes femmes des nazis. Ce long métrage est projeté en Compétition Officielle.

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig, s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp. Les prestations de Christian Friedel, Rudolf, et Sandra Hüller, Hedwig Höss, sont parfaites en couple préoccupé par une paisible vie quotidienne, madame au foyer tandis que monsieur assure son travail accaparant dont tous deux semblent plutôt fiers.

Le cinéaste signe une vraie proposition de cinéma. La mise en scène clinique, comparable au mode opératoire de la mise à mort à l’échelle industrielle des juifs par les nazis, respecte d’abord une mise à distance de ces énergumènes, les Höss, que l’on observe de loin dans la profondeur de champ, du bout d’un couloir… Le cinéaste se penche peu à peu sur cette famille qui vit paisiblement dans un pavillon au jardin paradisiaque, celui de madame, qui y travaille en élevant ses enfants, aidée par de pauvres hères du coin.
La maison est mitoyenne au mur d’Auschwitz où la caméra ne pénètrera jamais. Glazer s’appuie sur la mémoire collective du spectateur concernant l’holocauste pour ne jamais s’aventurer dans Auschwitz et laisser le son guider l’imagination du public. Le film commence en nous plongeant dans le noir. L’effet de montage parallèle diégétique est sonore et se produira en continu. D’un côté un paradis terrestre avec piscine, serre et mille fleurs, contiguës au camp de concentration dont on aperçoit les miradors. On en percevra parfois les cris. Comme ce moment où le cinéaste se penche sur une fleur rouge qui finira par inonder l’écran d’une teinte sanglante sur fond de de cris perçants. Les audacieuses séquences où l’on suit une jeune résistante inconnue, de nuit, sont tournées en infrarouge. Un formidable récit de courage à l’image, accompagné au son d’un conte raconté par le père Höss à ses enfants. Gretel met la sorcière dans le four. Il y a une sorte d’ironie à penser que les nazis avaient bien écouté les contes que leur racontaient leur parents…

Le spectateur ne peut être que choqué, effaré devant l’intimité au quotidien de cette heureuse petite famille, dont la vie basculera… Au moment de l’annonce de la mutation du commandant d’Auschwitz qui leur fera l’effet d’une injustice suprême. Jonathan Glazer questionne brillamment l’humanité de l’homme. Sa capacité d’empathie et sa manière de se mouler dans un processus de groupe, industriel en l’occurrence ici l’extermination d’un peuple.