Sur L’Adamant de Nicolas Philibert, quand la pureté du récit frôle l’humain, Ours d’or 2022

Sur l’Adamant de Nicolas Philibert documentaire lauréat du fameux Ours d’Or berlinois est dépeint comme un documentaire sur la folie. Pas vraiment. Ou pas tout à fait. C’est une oeuvre révélatrice sur l’humain qui ouvre les portes de l’esprit et de la réflexion par la curiosité des mille personnages qu’il nous présente. Un film riche, vif, vivant et profondément humain. Un film qui régénère. A lire aussi: entretien avec Nicolas Philibert.

Nicolas Philibert invite le spectateur à bord de L’ Adamant, un centre psychiatrique de jour unique en son genre installé dans un bâtiment flottant à l’allure de bateau, sur la Seine en plein coeur de Paris. Le documentariste a filmé durant sept mois dans ce centre. L’ Adamant accueille les adultes en souffrance de troubles psychiques, leur offre une structure dans le temps et l’espace qui les aide à reprendre un peu d’élan. Une magnifique plongée dans ce monde de restructuration qui soigne l’humain, fuyant le délabrement et la déshumanisation actuelle de la psychiatrie.

Une transparence assez exceptionnelle habite ce documentaire. Par ses choix de mise en scène le cinéaste touche au plus près son sujet et rend la vérité des personnages et du récit. Ce qui amène une pureté absolue et rare dans la narration cinématographique. Les cadrages fixes en plan rapprochés sont fidèles à l’art du portrait, déclinés pour présenter cette galerie de protagonistes. Le cinéaste filme avec respect les hommes et femmes embarqués sur cette « péniche » qui se dévoilent tour à tour, intrigants, multiples et maitrisent des talents évidents dans différents domaines.
De la magie apparaît de l’observation des protagonistes aux âmes d’artistes comme cette séquence d’ouverture exceptionnelle ou François reprend La Bombe humaine du groupe Téléphone, comme possédé par la musique. Ses paroles résonnent et annoncent la couleur du film « Je vois à l’intérieur des images des couleurs, qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur, sensations qui peuvent me rendre fou ».
Nicolas Philibert filme tous les protagonistes à égalité. Il répond dans son film d’une éthique morale et d’une responsabilité du récit assumée. Le dispositif filmique est affirmé des le début du film, les règles sont posées. En plein entretien Mireille s’adresse aux deux personnes hors-champ, derrière la caméra, au son et à l’image. Toujours hors champ, ils répondent, se présentent à la fois à Mireille et au spectateur. Les dés sont jetés. Le dispositif filmique est franc, direct. Les opérateurs s’incluent dans l’espace diégétique sans se cacher en affirmant faire partie et avoir une incidence dans le récit.

Se penchant sur la psychiatrie dans ce lieu singulier, ce documentaire transcende son sujet et nous parle de l’humain. Qui dérape vers la folie, fait preuve d’une imagination débordante ou pas? Il n y a pas de limite claire entre la folie et la normalité, car c’est l’humain que dépeint avec beaucoup d’humilité Nicolas Philibert. L’accès à l’art, à la pensée de chacun par la réflexion, l’échange. Une œuvre exemplaire qui prend le temps de montrer la complexité du réel de l’être humain avec patience et respect. La pureté d’un documentaire qui rend hommage à l’âme humaine.

Sortie dans les salles belges le 31 mai.