Dans Le Livre des Solutions Michel Gondry s’autoportraitise sans complaisance dans une comédie touchante, drôle et foutraque. Un film très personnel réalisé avec distance qui met en scène un alter ego, un personnage de réalisateur burlesque interprété par le brillant Pierre Niney. Un cinéaste en proie aux doutes de la création complexifiée par sa bipolarité et inspiré de la propre vie du réalisateur de l’inégalable Eternal Sunshine of the Spotless mind. Michel Gondry présentait en mai dernier son film à la Quinzaine des cinéastes au 76ème festival de Cannes. A Lire aussi: Entretien avec Michel Gondry!

Marc ne supporte plus les remarques des « Cravates » les producteurs de son film, peu sensibles aux aléas de la création. Il subtilise en douce son long métrage avec son équipe pour le terminer chez sa tante dans les Cévennes, la compréhensive Denise, sublime Françoise Lebrun. Le film est par ailleurs dédié à Suzette, la tante de Michel Gondry. Marc n’est pas toujours extrêmement sympathique avec ses semblables et abuse parfois de son équipe. Surexcité par l’arrêt de ses médicaments, celui qui se sent «Triste le matin, manipulé l’après-midi» ne dort plus, et ses collègues non plus. Gondry livre une comédie tendre sur ses doutes et contradictions dans un attachant autoportrait ou il fait un mea culpa cash avec lui même, égocentrique en mal d’excuses qui use et abuse des autres. Il se décrit comme un personnage parfois mégalo (illustré par une voix off fan de lui : la sienne), exécrable dû à son état d’hyperactivité et tentant vainement parfois de s’excuser ou de rattraper le coup maladroitement. Comme cette séquence ou il construit un « camiontage » (contraction de camion et de salle de montage) pour se faire pardonner auprès de Charlotte la monteuse du film, géniale Blanche Gardin. Ils deviennent alors deux enfants dans un immense camion-jouet qui coupe l’image avec son klaxon.

Gondry décrit le dilemme de sa création, à quel prix elle se fait parfois et le chemin tortueux pour parvenir à accoucher d’un film. Un processus long et difficile, ponctué de gags burlesques. La mise en scène est foisonnante. Tous les modes de réalisation possibles sont abordés dans une liberté totale pour correspondre à l’extrême créativité du personnage de Marc. Animation avec Max le Renard, image par image, univers sonore, tout est bon pour bricoler. Le Do it yourself est roi.

Ce retour dans les Cévennes, c’est un cheminement qu’effectue le personnage vers son enfance, vers un monde cocon, rassurant, dans cette immense maison cévenole personnage du récit où la douce tante Denise est toujours là pour calmer les ardeurs débordantes de son imprévisible neveu. Tout le monde marche sur des oeufs, mais sait qu’il est un génie. Marc part dans tous les sens et invente tant d’idées saugrenues vouées à l’échec mais qui au final ravissent à la surprise générale. Témoin cette scène où il se transforme en chef d’orchestre et dirige des musiciens sans partition, avec son corps. La monteuse Charlotte, s’en trouve médusée, en miroir avec le spectateur.

Le livre des Solutions est un témoignage délicat, drôle et plein d’humilité. Ce film est une transposition à l’écran troublante de pans de vie du cinéaste qui est parvenu à en faire une comédie burlesque. Un film pied de nez à la maladie où le cinéaste incruste sa patte que l’on aime tant avec humour. Tout le monde croit à un rêve collectif qui tourne au joyeux bordel. La force de Gondry est son renouvellement infini dans l’imaginaire. Il provoque des aventures joyeuses et diverses toujours positives et réalise un film sur le fait de croire en ses rêves. Le film des solutions ?

En salle le 20/09/23.