La vie de ma mère de Julien Carpentier, un émouvant road movie en mode bipolaire

La vie de ma mère est une émouvante comédie dramatique de Julien Carpentier dont le sujet est rare sur le grand écran. Le cinéaste aborde la maladie mentale avec légèreté et intelligence à travers la relation contrariée d’un trentenaire et de sa mère. Il évite les écueils de ce thème épineux dans cette comédie populaire, courageuse et ponctuée d’humour. A lire aussi : Entretien avec Julien Carpentier.

Fleuriste à succès, Pierre 33 ans, voit sa vie bouleversée par le retour de sa mère, Judith, personnage fantasque et envahissant. Il souhaite reprendre rapidement le cours de sa vie mais rien ne se passe comme prévu. Des retrouvailles explosives attendent le fils et sa mère et vont bouleverser leur existence à jamais.

Julien Carpentier réunit un duo de personnages attachants qui constitue en partie la réussite de ce premier long métrage. Agnès Jaoui en mère bipolaire et William Lebghil son fils, sont bouleversants. William Lebghil interprète avec brio ce fils control freak, coincé dans le quotidien d’une vie où il se condamne à la réussite professionnelle, se consolant auprès des fleurs au détriment de sa vie amoureuse. Agnès Jaoui pétarade en Judith, mère poule juive exubérante qui embrasse la vie à grands bras, cris et passion. Trop maquillée, sexy-limite vulgaire, habillée de couleurs criardes, trop expressive la comédienne crie plutôt qu’elle ne parle et s’invente des fugues féériques dans une vie rêvée. Judith est bipolaire et donc imprévisible. Elle s’est échappée de l’institution où elle réside. Cette femme crie son besoin de liberté jusqu’à la folie et c’en est déchirant. Ses proches oscillent toujours entre le sentiment d’amour et la culpabilité. Son fils dit ne plus avoir la force de s’occuper de cette mère malade et sa grand-mère n’en a plus l’âge. Le casting de cette comédie populaire est fort sympathique avec également Alison Wheeler et Salif Cissé. Le scénario et les dialogues sont extrêmement justes, le cinéaste connaissant lui-même la bipolarité.

Le fils et la mère vont s’engager ensemble et malgré eux dans un road movie bouleversant qui les amènera à vivre de nouvelles aventures. Le duo va s’appréhender dans ces retrouvailles rendues maladroites par cette relation à la fois débordante d’amour et limitée par l’enfer de la maladie. Il y a de la poésie dans cette comédie dramatique. Pierre gère un commerce, Magnolia fleur et le lien commun entre les deux protagonistes est le langage des fleurs. Le père de Judith disait « Cultive ton jardin ! ». Un legs maternel fort que Pierre a recueilli. Les fleurs constituent un retour onirique vers la mère pour ce trentenaire qui n’a pas pu s’accrocher au pilier maternel.
Le fils est piégé par des responsabilités reçues trop tôt malgré lui et cette femme est sa mère malgré son état. La cohabitation est impossible et nécessite une médicalisation. Tous deux vont re-découvrir la tendresse par delà les difficultés. Le film montre comment les protagonistes vont s’appréhender en tentant de gérer la maladie mentale et les crises au quotidien en bonne intelligence, loin de leur quotidien. Chaque spectateur se projettera de près ou de loin dans ce film positif et salvateur.