« Hedi, Un vent de liberté » de Mohamed Ben Attia : Majd Mastoura convaincant en homme tiraillé dans la Tunisie d’aujourd’hui

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Kairouan, en Tunisie, peu après le printemps arabe. Hedi, 30 ans, travaille comme commercial. Non que cela le passionne, c’est comme ça. Il aime dessiner, ce qui lui permet de s’évader. Son mariage avec une très belle jeune femme, Khedija (Omnia Ben Ghali) est imminent. Sa famille et notamment sa mère envahissante (Sabah Bouzouita), a tout arrangé. Bref, tout roule sur des rails dans la vie d’Hedi. Jusqu’au jour où il va rencontrer Rim (Rym Ben Messaoud), qui est animatrice d’un centre de vacances. Hedi va devoir faire des choix.

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C’est un premier long-métrage parfaitement maîtrisé que nous offre Mohamed Ben Attia, qui en a écrit le scénario d’une plume extrêmement fine. Le film a été remarqué à Berlin où il a remporté le prix du Meilleur Premier Film. Majd Mastoura, l’interprète principal y a également gagné l’Ours d’argent du meilleur acteur pour son interprétation de Hedi.

Avec cette comédie dramatique, Mohammed Ben Attia réalise un double challenge. Il brosse le portrait psychologique très réussi d’un homme tiraillé entre modernité, traditions et famille. La progression psychologique du personnage principal y est très bien décrite et nous plonge dans un questionnement profond sur ses actes à venir. C’est aussi parallèlement, un portrait de la Tunisie actuelle, hésitante entre modernisme et passé, qu’il dresse, agrémenté d’un constat économique sans concession.

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L’originalité de ce récit est de poser un homme en protagoniste principal englué dans les traditions familiales, dans l’attente d’un mariage arrangé. Habituellement, ce serait une femme qui serait envisagée dans ce rôle. C’est nouveau et on est captivés par l’histoire de ce jeune homme qui évolue comme il le peut. Hedi est plutôt réservé, il accepte sa vie telle qu’elle est sans la remettre en question. Il la regarde passer. Promis en mariage à une belle jeune femme avec qui il semble s’entendre assez bien, il parait satisfait. Sa rencontre avec Rim va fissurer ses certitudes et lui ouvrir des horizons inespérés. Il découvre une autre façon de voir la vie. Jusqu’où Hedi va-t-il pouvoir aller et comment ?

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L’emploi de Rim dans un centre de vacances sert aussi au cinéaste à montrer les difficultés actuelles du pays post printemps arabe. Grâce à ce personnage, les thèmes des centres de vacances désertés par les touristes étrangers, le licenciement du personnel du secteur touristique, la nécessité de s’expatrier pour trouver du travail sont partie prenante du récit. Mohammed Ben Attia témoigne aussi des perspectives d’avenir peu reluisantes des jeunes qui restent dans le cocon familial, étouffés dans la tradition comme l’est Khedija. Le frère d’Hedi (Hakim Boumessaoudi) quant à lui, vit à l’étranger, même s’il revient pour prendre le rôle de son père décédé, afin d’organiser le mariage.

On aime l’ histoire de cet homme envisagé avec toutes ses fragilités, qui va malgré tout tenter d’évoluer au-delà des barrières sociales et traditionnelles. Même si tout ce qui n’épouse pas la tradition sera vécu comme une honte pour la famille.

Entretien avec Mohamed Ben Attia pour Weldi, Mon cher enfant
Weldi, Mon cher enfant, critique