Dans « Weldi, mon cher enfant », Mohamed Ben Attia creuse le fossé générationnel d’une société tunisienne mondialisée

Pour son second long-métrage, Weldi, mon cher enfant, Mohamed Ben Attia réalise un drame à la fois sociétal et intimiste. Le cinéaste dresse le portrait d’une cellule familiale et au-delà, établit un état des lieux de la société tunisienne actuelle. Hedi, Un vent de liberté avait remporté le Prix du Meilleur premier film à la Berlinale 2016 et l’Ours d’Argent du Meilleur Acteur. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Weldi, mon cher enfant est en Compétition Officielle au FIFF à Namur.

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Riadh, Mohamed Dhrif, est retraité et sa femme Nazli, Mouna Mejri, enseigne l’arabe. Leur fils Sami, Zakaria Ben Ayed, 19 ans, s’apprête à passer le bac. Le jeune homme est victime d’intenses crises de migraine qui inquiètent ses parents. Alors qu’il semble aller mieux, Sami disparait. Le solide et meurtri Riadh est magistralement interprété par Mohamed Dhrif, et c’est lui que l’on suivra sur les traces de son fils disparu.

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Mohamed Ben Attia signe lui-même le scénario de ce long métrage et prend le temps d’installer l’histoire et l’intimité de cette vie familiale. Les plans séquences insufflent le rythme du récit, celui de la vie quotidienne. La caméra suit les personnages de près. Une première partie assez longue nous invite au centre de la cellule familiale. Elle permet d’expliquer comment le drame s’insère dans la vie de tous les jours, dans des endroits aussi banals qu’un supermarché. Dans cette famille tunisienne les personnages font face aux difficultés d’une société où la vie devient de plus en plus dure. Nazli enseigne dans une autre ville et s’absente plusieurs jours du foyer pour travailler. L’argent est sujet de discussion redondant, chaque sou est compté. Les protagonistes semblent inclus dans une chaîne de fonctionnement qu’ils perpétuent inlassablement. Au dehors, on manifeste contre le terrorisme.

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Le film dresse le constat d’une faille entre les générations. Les idéaux du père au même âge, ne sont plus ceux de son fils aujourd’hui. S’apprêtant à passer le bac et malgré son projet d’étudier le design, Sami est parti combattre en Syrie. A son époque, Riadh rêvait de se marier, travailler et il constate le fossé qui le sépare de Sami. Un vieil homme lui affirmera que « 19 ans ça n’est pas jeune », et que les jeunes d’aujourd’hui « désirent être importants ».

Hedi, Un vent de liberté démontrait déjà le talent de Mohamed Ben Attia à entremêler intelligemment l’intimité des protagonistes à un fond sociétal contemporain. Weldi, mon cher enfant confirme cette démarche cinématographique à la fois sensible et conscientisée. Au-delà de cette photographie de la Tunisie, c’est bien d’une société mondialisée dont il s’agit ici. Les différences sociétales ont tendance à se gommer (le supermarché…), et le djihadisme touche le monde entier. Cette démarche, ce retour à la lenteur permet au cinéaste d’imposer la réflexion, de philosopher sur la vie et questionner le moi profond de son protagoniste principal.

Entretien avec Mohamed Ben Attia

En salle le 7 novembre