Fiona travaille comme bibliothécaire dans un village enneigé, au fin fond du Canada. Un jour, elle reçoit une lettre de sa tante Martha émigrée à Paris, qui lui demande son aide car on veut la placer en maison de retraite. Le sang de Fiona ne fait qu’un tour et elle débarque à Paris avec son gros sac à dos, drapeau Canadien en berne. Mais voilà, à son arrivée Martha n’est pas là et Fiona perd toutes ses affaires, papiers et argent compris… En plus de ces catastrophes en chaîne, elle va rencontrer Dom, un SDF qui va la suivre et dont elle aimerait se débarrasser…
Le duo belgo-canadien Dominique Abel et Fiona Gordon, La fée, Rumba, nous revient avec une nouvelle comédie burlesque débordante d’envolées lyriques. On prend plaisir à les accompagner dans leurs aventures délirantes et surréalistes. Les deux réalisateurs-comédiens incarnent comme à chacun de leurs films leurs personnages principaux avec brio, Dominique Abel interprétant le libre Dom et Fiona Gordon la maladroite Fiona.
Emmanuelle Riva, Hiroshima mon amour d’Alain Resnais, César de la meilleure actrice pour Amour de Michael Haneke, récemment disparue, est fabuleuse en Martha, cette tante de 88 ans qui préfère vivre dans la rue et piocher dans les poubelles que de perdre sa liberté en maison de retraite. Après tout, comme elle le dira elle-même, « Elle n’a que 88 ans ! ». C’est l’un des derniers rôles de la grande Emmanuelle Riva, un rôle superbe pour un adieu à l’écran en apothéose. Pierre Richard, habitué aux personnages burlesques un peu décalés est parfait en Norman, l’ami de coeur de Martha. Norman ressemble un peu à Dom que Martha appellera d’ailleurs Norman quand ils seront assis en hauteur, sur la tour Eiffel, regardant rêveusement la ville de haut, comme si les deux couples se répondaient visuellement.
Joyeux et coloré, on aime ce mélange de langage du corps réinventé qui vogue du cirque à la danse en passant par le burlesque. On relève plusieurs scènes croustillantes et drôles notamment une « danse des pieds » extrêmement émouvante et poétique de Martha et Norman. Ou cette scène drôlissime : en souhaitant être photographiée sur fond de tour Eiffel, Fiona tombera d’un pont avec son sac à dos, sera repêchée par les marins d’un bateau-mouche et poursuivie par le joggeur-photographe d’un instant qui voudrait bien lui rendre son téléphone…
Les quais de Seine magnifiés par une lumière intense – La direction photo est signée Claire Childéric – sont un merveilleux point de vue pour filmer les monuments parisiens et placer le récit dans cet univers si beau et onirique. On aime ce monde cocasse et poétique ou ce qui est grave ne l’est pas vraiment, ou fouiller dans les poubelles n’est pas honteux, ou un SDF peut soudain revêtir des fringues de femme, le pull jaune de Fiona et son sac à main en moumoute, parce qu’il a trouvé un sac à dos, bref un monde où tout est possible et où l’absurde devient beau. Paris Pieds nus est une bulle de bonheur.
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