Grave de Julia ducournau, fable initiatique protéiforme et carnivore

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Justine, 16 ans vient d’une famille de végétariens. Cette jeune surdouée va faire son entrée dans l’école vétérinaire où étudie déjà sa soeur. Mais avant que l’année ne débute, c’est l’épisode du bizutage qu’il faut affronter. Justine va être contrainte de manger de la viande pour la première fois de sa vie. Les conséquences ne se feront pas attendre.

Grave, selon Julia Ducournau, signifie la gravité, celle qui nous scotche au sol. C’est ce que fait son sensationnel premier long-métrage aux partis pris affirmés et on adore.  Avec cet ovni, La cinéaste bouscule un cinéma français timide et ouvre la porte d’un cinéma de genre que l’on a l’habitude de rencontrer Outre-atlantique, à travers des auteurs tels que David Cronenberg. Le film a défrayé la chronique au dernier Festival de Cannes laissant les mots « horreur » et « cannibalisme », lui forger une réputation. Qu’en est-il ?

grave03_0Grave est un film de genre protéiforme. C’est une fable fantastique extrêmement intelligente sur l’apprentissage de la vie par une jeune fille. La sage Justine, magnifiquement interprétée par Garance Marillier, à la fois touchante et inquiétante, nous bluffe dans sa métamorphose et en terme de langage du corps. Sa relation avec sa soeur, l’intransigeante Alexia, Ella Rumpf, est extrêmement bien rendue dans sa complexité entre amour et haine. Adrien, l’ami de Justine fraichement rencontré pendant l’épreuve du bizutage est magistralement interprété par Rabah Naït Oufella (Nocturama de Bertrand Bonello).

grave12Le scénario écrit par la cinéaste ne laisse rien au hasard. Il sert ce film très esthétisant, dont l’image signée Ruben Impens (The broken circle breakdown de Félix Van Groeningen) magnifie chaque détail pour le rendre organique et ne boude pas les effets comme les ralentis.

Le film insuffle une énergie incroyable et positive à travers ses ambiances mais aussi la musique de Jim Williams. Dans une scène d’anthologie entre les deux soeurs l’orgue s’invite dans le thème musical ce qui donne une dimension au récit un peu surnaturelle et l’emmène dans une autre, fantastique et Grave à la fois.

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Grave est une fable, un parcours initiatique cru et organique mais cela n’est pas un film d’horreur. Dans le film de Julia Ducournau chaque élément du récit se justifie et a sa légitimité, parce que l’histoire compte avant tout. Grave nous renvoie à des références fantastiques comme La Mouche de David Cronenberg. Ce film plaira donc aux spectateurs, avertis qu’il va au bout de son propos. Ce serait bien dommage de passer à côté

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