Les Gardiennes de Xavier Beauvois, les temps de guerre 14-18 au féminin

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Dans Les Gardiennes, Xavier Beauvois (Des hommes et des Dieux), se lance dans l’adaptation du roman naturaliste éponyme d’Ernest Pérochon, Prix Goncourt 1920 pour Nêne. Ce long métrage est une superbe représentation du travail rural et renvoie à l’univers pictural tant ses cadrages sont beaux. On pense bien sûr à Millet, Brueghel et à toutes les représentations du travail paysan dans la peinture. Caroline Champetier signe une photographie précise et lumineuse. Le film s’inscrit dans la tradition d’Henri Storck et de sa Symphonie Paysanne, tant les plans d’ensemble qui décrivent la rudesse du travail sur des étendues de champs côtoient la poésie.

_GAR3057France, 1915. Au Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au combat. La mère, Hortense, et sa fille Solange assument le dur labeur à la ferme. La vie s’écoule rythmée par le travail acharné et le retour des hommes lors des permissions. Une jeune fille de l’assistance, Francine, va être engagée en renfort et elle croit avoir enfin trouvé une famille.

GAR4121-1024x726A travers cette histoire d’hommes, de guerre et de traditions, Xavier Beauvois observe à la loupe la vie des femmes pendant la première guerre mondiale, un sujet rare, presque décadré par rapport à la grande histoire. Les femmes en jupes longues encombrantes assurent toutes les tâches impliquées par la ferme, de la traite des vaches à la faux dans les champs. Hortense, la mère est interprétée par Nathalie Baye méconnaissable, cheveux gris coiffés en chignon. Sa fille Solange, comme dans la vie est Laura Smet. Ces femmes sont montrées dans la réalité de leur personnalité, avec leurs désirs, des personnages modernes de femmes en somme. La révélation est Francine, Iris Bry, la jeune fille qui va faire confiance à cette famille pour laquelle elle va se donner corps et âme au travail. La vie suit son cours, rongée par l’inquiétude de savoir les hommes à la guerre : les deux fils de la famille, Constant, Nicolas Giraud et Georges, Cyril Descours ainsi que le mari de Solange, Clovis, Olivier Rabourdin. Parallèlement aux dos courbés dans les champs apparait la possibilité d’acquérir des machines comme la moissonneuse achetée par Hortense. On assiste aux débuts de l’industrialisation, vue comme un soulagement énorme par ces paysans prisonniers de la dureté de leur travail.

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Le temps du cinéma est ici presque celui de la vie, Xavier Beauvoix use de plans séquences envisagés en plan d’ensemble. On observe ainsi tout ce qu’il se passe, l’immensité des champs face à la petitesse des femmes qui y travaillent et le temps passe, naturellement. Les femmes évoluent, l’époque change, mais les événements changeront-ils les protagonistes ?