L’insulte de Ziad Doueiri, comment un simple fait divers devient une affaire d’état dans un Liban meurtri

4c

Après L’Attentat, Ziad Doueiri (West Beyrouth) réalise un vrai film de procès, un thriller politique qui débute par un incident anodin. Ce minuscule événement va prendre des proportions inattendues, tourner en affaire d’état et déchaîner les passions populaires et médiatiques.

Adel Karam_Ziad Doueiri-Insult

A Beyrouth de nos jours. Yasser, réfugié palestinien et Toni chrétien libanais, se disputent pour un problème de fuite d’eau d’un balcon sur la rue. L’un va insulter l’autre qui portera plainte, ce qui va les mener très loin, bien au-delà d’un simple procès.

Ziad Doueiri pose les bases de son récit très simplement pour les complexifier de plus en plus dans un rythme soutenu et nous embarquer dans les péripéties bouleversantes que vont vivre les personnages. Le scénario co-écrit avec Joelle Touma est bien ficelé et nous emmène de rebondissement en rebondissement. On aime ce thriller à la mise en scène efficace, qui débute l’air de rien par une vie quotidienne aux apparences tranquilles chez Toni, Adel Karam et sa femme enceinte Shirine, Rita Hayek et qui va paisiblement, inexorablement déraper.

Adel Karam_Rita Hayek__Ziad Doueiri_Insult

Si les deux protagonistes principaux Toni et Yasser ne sont pas dépourvus de fierté, ils sont extrêmement complexes, multiples, notamment Yasser interprété par Kamel El Basha. L’homme se laisse emporter par ses émotions et commet une faute : l’insulte. Après ce moment de crise il restera toujours digne malgré la peur que l’on sent poindre derrière la fierté. Car on sent bien qu’il a peur, il n’est pas dans son pays, il y est réfugié. Kamel El Basha a remporté la Coupe Volpi de la Meilleure Interprétation Masculine à la dernière Mostra de Venise. Si Toni, chrétien libanais nationaliste représente son opposé, il est lui aussi extrêmement complexe.

Kamel El Basha _Diamand Bou Abbboud_Ziad Doueiri_Insult

A travers les destins des protagonistes réunis autour de ce qui aurait dû être un fait anodin, les fils de l’histoire du Liban se démêlent et résonnent douloureusement avec la vie de chacun d’entre eux. On découvre en filigrane un pays qui n’a pas oeuvré à la réconciliation nationale après la guerre achevée en 1990. Ce récit nous pousse à réfléchir sur le vivre ensemble et les conflits latents d’un pays qui ont été laissés à l’abandon. La grande intelligence du scénario est de faire se rejoindre le passé douloureux des personnages avec celui de tout un pays ce qui, forcément nous bouleverse.

Prix d’Interprétation masculine au Festival de Venise 2017, Prix du Public, AFI Film Festival (American Film Institute), Prix du Public, Cineuropa31 (Saint Jacques de Compostelle), Prix du Public, Festival de Valladolid, Prix de la Critique & Prix du Public & Prix du Meilleur Scénario (Rencontres Cinématographiques de Cannes)

Entretien avec Ziad Doueiri